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Avec l’aval du parlement, le pouvoir saute le verrou de la liberté de manifestation




C’est orwellien, enfin…presque caricatural; les Togolais ont désormais le choix de manifester dans les ruelles des bas-quartiers ou dans leurs maisons, mais jamais sur les artères principales du pays. Les députés togolais ont donné leur caution à une loi liberticide tout droit sortie des phobies du ministre de l’Administration territoriale, Payadowa Boukpessi. La loi porte sur la modification d’une précédente loi dite Bodjona que le pouvoir en place juge certainement trop laxiste.

Ainsi désormais, « dans le cadre des réunions ou manifestations pacifiques publiques, l’itinéraire comporte un seul point de départ, un seul tronçon de route et un seul point de chute », selon l’article 9.1 nouveau. Cet article abolit ainsi les cortèges de manifestants venant de différents endroits vers un point de convergence. Le but inavoué est d’empêcher les fortes mobilisations.

L’article 9.2 va encore plus loin : «Pour des raisons stratégiques, économiques et sécuritaires »,  les manifestations sont interdites sur « toutes les routes nationales », « les axes et zones où se déroulent de fortes activités économiques, dans les centres urbains », et « les axes et zones proches des institutions de la république ».

De même sont interdits de manifestation, « les axes et zones proches des chancelleries et résidences des ambassadeurs et représentants d’organisations internationales » et « les axes et zones proches des camps militaires et des camps de service de sécurité ».

Last but not the least,  « les réunions ou les manifestations pacifiques sur la voie publique et dans les lieux publics ne peuvent se tenir avant onze (11) heures et au-delà de dix-huit (18) heures », selon l’article 17.

Une loi qui vient valider a posteriori une pratique de Boukpessi
Cette loi vient en réalité valider a posteriori les pratiques délétères voire mortifèresdu ministre Payadowa Boukpessi, le spécialiste des interdictions des marches.

Après avoir été échaudé par les manifestations populaires  déclenchées entre le 19 août 2017 et 2018 à l’initiative du PNP, le pouvoir a décidé de restreindre rigoureusement les libertés publiques. Les restrictions passaient soit par l’interdiction pure et simple des manifestations, soit par les modifications des itinéraires. Le but est de reléguer les marches à la périphérie de la ville. Les interdictions sont le plus souvent motivées pour des  raisons d’ordre économique voire sécuritaire.

Le ministre Payadowa Boukpessi et le président de la délégation de la ville de Lomé se faisaient alors un malin plaisir de s’opposer aux manifestations de l’opposition, parfois pour des raisons saugrenues. Les entraves du ministre se faisaient au mépris de la Bodjona. Les organisateurs n’avaient d’ailleurs pas les moyens de recourir devant la Chambre administrative de la Cour suprême, seule habilitée à statuer. Car le ministre contournait allègrement la loi Bodjona en ne motivant pas ses décisions.

Accusé de toutes parts d’entraver la loi, M. Boukpessi se fait donc fort de faire une loi taillée sur mesure le confortant dans ses abus.

Au cours de leur intervention devant les parlementaires, les députés UNIR une grande « avancée démocratique » par le vote de cette loi. Depuis les législatives de décembre 2018, l’opposition est absente du parlement , dorénavant totalement acquis au pouvoir en place.

L’étau se resserre autour de l’opposition
Le vote de la nouvelle loi intervient dans un contexte général de musellement et répression de l’opposition et de la société civile par le régime militaro-civil. Les manifestations du PNP sont empêchées de fait à Lomé et à l’intérieur du pays. Dans la région centrale, les réunions du parti de Tikpi Atchadam connaissent des dispersions et la confiscation des matériels saisis. La ville de Sokodé, fief du PNP, subit encore une forte présence militaire alors que les villes de Bafilo  et de Mango sont surveillées comme du lait sur le feu. Sokodé subit un blocus militaire depuis 2017. Plusieurs militants du PNP dont les cadres sont détenus dans plusieurs prisons du pays.

Le contexte n’est pas différent à Lomé, où les marches et les meetings  des organisations de la société civile et de l’opposition sont régulièrement entravés voire interdits.

Comme prémonitoire des jours à venir, le ministre du travail Gilbert Bawara avait déclaré sur les ondes internationales que le régime a pris toutes les mesures pour éviter un second 19 août.

A l’orée de la présidentielle, qui devrait se tenir probablement en février 2020, le pouvoir attend se donner les coudées franches et éviter toute surprise.

Dans le cadre des observations des élections locales, le ministre Boukpessi a ordonné à la Commission électorale d’écarter la mission d’observation de l’Eglise catholique, sous prétexte de « l’origine douteuse » de ses financements et du nombre trop élevé des observateurs.

Cependant, en entravant de façon excessive les libertés publiques, le pouvoir prend le risque de pousser les masses dans leur dernier retranchement. Mis dos au mur, les Togolais pourraient désormais manifester sans autorisation. Il est interdit d’interdire.

Source: letempstg
Titre modifié
E-Mail: togoscoop@gmail.com

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