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Homosexualité : Malgré une société togolaise très homophobe, le phénomène prend de l’ampleur

Après plusieurs mois de restriction sanitaire avec à la clé l’interdiction d’accès à la plage de Lomé en raison de la Covid-19, les autorités togolaises ont levé cette interdiction. C’est ainsi que par milliers les Loméens ont renoué avec l’ambiance de la plage. Dans la foulée, le dimanche 3 avril 2022, ils étaient encore des milliers au bord de la mer. Mais un fait inédit allait se produire cet après-midi-là. Des jeunes soupçonnés d’être des homosexuels ont été pris à partie par la foule. Même dans leur repli, ils ont été poursuivis et subi des voies de fait.

Cette situation a interpellé la Rédaction de votre site TOGO SCOOP qui a décidé de mener une enquête sur la communauté homosexuelle et transgenre du Togo. Qui sont-ils ? Comment vivent-ils leur particularité dans une société togolaise fermée. Nous avons mené l’enquête…

 

Dans la soirée du vendredi 24 mai 2024, nous nous retrouvons dans un restaurant de la banlieue-nord de Lomé. A l’intérieur, plusieurs tables. Autour d’une faiblement éclairée  par la lumière, une demi-douzaine de personnes discute tout en sirotant des bouteilles de vin. De loin, on pouvait entendre attendre difficilement leur voix. Qui sont ces personnes bien habillées ? Nous ne tarderons pas à le savoir… Nous avons été mis dans les confidences que ces personnes sont des homosexuels. Face à l’intolérance de la société togolaise, elles se retrouvent souvent en toute discrétion dans ce resto pour échanger entre eux et partager leurs préoccupations et vécus quotidiens.

LE DEBUT

Cette soirée-là, autour de la table, Franck, la trentaine, svelte, teint clair. Il vit son homosexualité depuis 15 ou 16 ans.

De nature réservée, le comportement de Franck suscite l’inquiétude chez ses parents qui, un jour, ont eu accès à son portable à son insu. A la suite de la découverte de correspondances « compromettantes », la décision des parents a été radicale : ils ont coupé à leur enfant certains privilèges qui lui permettent de faire certaines « bêtises » à savoir le priver de l’argent de poche. Malgré cette découverte, les parents n’ont pas la certitude que leur enfant est réellement un homosexuel. « Ils sont dans le flou, ils attendent une confirmation de ma part. Est-ce que je vais confirmer ? Non ! Je préfère que ça soit flou dans leur tête. Je préfère les laisser dans le doute. Et depuis, ils sont dans le doute quand bien même ils savent que leur enfant aime ça et aime ci, ils attendent toujours une confirmation de moi », nous confie Franck.

 

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Taille moyenne, Séna, la trentaine également, arbore un Jean pantalon et une chemise manche longue dont le dernier bouton est laissé ouvert. Un piercing au nez gauche et des dreadlocks, ce jeune homme est un transgenre qui a adhéré à une association de cette communauté dans les années 2017.  A l’époque, continue-t-il, les réseaux sociaux n’étaient pas aussi développés. C’est sur les sites qu’il allait chercher les informations avant d’adhérer à cette association de sa communauté.

Derrière la voix rauque et le corps ressemblant à celui d’un athlète, Essowè avec la coupe de coiffure dite ‘’plateau’’ assume son homosexualité.

« Je n’ai pas choisi d’être homosexuel », déclare-t-il confessant qu’il a été un hétérosexuel. « Avant j’étais un dur homophobe. J’étais dans un quartier où vivait un homosexuel. J’étais de ceux qui étaient virulents contre lui, je le critiquais, l’insultais. Il y a même un de mes cousins homosexuels qui avait fait la une de la presse locale. A la suite de ça, je l’ai encore attaqué. Personne ne choisit l’homosexualité. On se découvre et on assume », indique Essowè.

D’apparence chétive, timide et réservée : timidité que Gérémie essaie de cacher par la paire de lunettes qui malheureusement ne pourra pas dissimuler son côté efféminé. En effet, depuis sa tendre enfance, Gérémie nous avoue qu’il aimait jouer et s’identifier aux filles. Mais quand il grandissait ses recherches lui ont révélé qu’il est transgenre. Et depuis 2016, il a adhéré à une association identitaire.

Notons en passant qu’un transgenre est une personne née biologiquement de sexe masculin mais qui a une identité de genre féminine ou vice versa.

LA DRAGUE

Au Togo, cette minorité sexuelle et du genre ne se sent pas libre de s’exprimer et de vivre librement sa sexualité et son genre. Chaque famille a un cas en son sein, dit-on, même si le sujet demeure un tabou. Il n’existe pas d’étude fiable pour montrer l’ampleur de l’homosexualité au Togo. Cependant, selon les données de l’enquête de Surveillance de Seconde Génération (SSG) du VIH couplée de la cartographie programmatique chez les populations clés, réalisé en 2022 par le programme national de lutte contre l’infection à VIH/sida, les Hépatites virales et les IST(PNLS-HV-IST), l’effectif des HSH au Togo est de 14 012 en moyenne.

Dans ce monde où on vit permanemment avec la peur de se faire dénoncer, le bouche- à-oreille fonctionne bien. Les relations se tissent à travers les connaissances dans la discrétion et la confiance. Mais dans des discussions entre initiés, la dextérité d’un partenaire sexuel est partagée, de même que son contact avec l’interdiction de ne pas dévoiler la provenance.

« Un jour, un responsable d’un ministère m’a dragué. On s’écrivait, c’est le jour de notre rencontre qu’il m’a avoué qui il était réellement », révèle Essowè. Et de poursuivre qu’au niveau des sommités, ils se parlent entre eux, échangent des contacts. « En dehors des personnalités politico-administratives, il y a des religieux, des prêtres, des pasteurs qui se cachent mais quand ils rentrent dans notre ‘’inbox’’, c’est en ce moment qu’on sait qu’ils sont des nôtres ». Mais en public, poursuit-il, ce sont eux qui les critiquent le plus.

Les critiques ou les agressions ne sont pas que verbales dans la société togolaise. Elles se manifestent aussi de façon économique, psychologique … Parfois, elles vont jusqu’à l’exclusion d’habitation ou même de lieu de culte, des convocations ou des demandes de lettres d’explication.

« J’ai dû perdre une année académique. Il fallait quitter la maison si je voulais continuer par vivre librement sinon je devrais m’attendre à tout. Vues les paroles, les propos qui sortaient de leur bouche (NDLR : la bouche de ses parents), je me disais qu’il se peut que je sois empoisonné, on peut me frapper pour me ‘’délivrer’’ », déclare Franck

Dans la rue, les homosexuels togolais surtout les transgenres sont agressés peut-être par rapport à « ma démarche, ma coiffure, mon habillement », admet Gérémie pour qui, une fois, a préféré rentrer chez lui pour sa sécurité vu l’accueil qui lui était réservé à une invitation.

Si pour Franck, sa plus grande peur, c’est de sortir et ne plus rentrer à la maison à la suite d’une dénonciation, Gérémie quant à lui, avoue qu’il a peur de se retrouver sur les réseaux sociaux. « Je fais tout pour ne pas tomber dans ce piège. Je ne suis pas prêt à me dévoiler. Des gens peuvent avoir des soupçons, ils peuvent savoir qui je suis mais aller sur les réseaux sociaux confirmer je ne suis pas encore prêt. Puisque la société togolaise n’est pas encore prête ».

Présents dans toutes les grandes villes du pays, les homosexuels togolais, aspirent au respect de leurs droits et libertés comme pour les autres citoyens.

 

Albert AGBEKO

E-Mail: togoscoop@gmail.com

 Tél : (00228) 90 96 63 64/ 99 56 57 88 : Pour vos reportages, annonces et publicité, contacter le service commercial de votre site Togoscoop.

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