Togo/Nouveau régime parlementaire : la lenteur d’un départ qui interroge
Annoncé comme un modèle plus proche des réalités togolaises et garant d’une gouvernance plus réactive, le nouveau régime parlementaire peine à convaincre. Entre lenteur politique et paralysie institutionnelle, le pays attend toujours la tenue du premier Conseil des ministres du gouvernement formé il y a un mois, alors même qu’en pleine session budgétaire, les élus du peuple passent leur temps à ronger les pouces faute de budget à examiner.
Un nouveau régime, de vieilles habitudes
Présenté comme une avancée majeure censée rapprocher le pouvoir des citoyens et renforcer la transparence, le régime parlementaire devait incarner la rupture avec les lourdeurs de l’ancien système.
Pourtant, ses débuts laissent perplexe : il aura fallu 157 jours pour constituer un gouvernement dont la majorité des membres provient de l’équipe précédente. Et depuis sa formation, aucune réunion du Conseil des ministres n’a encore eu lieu.
Une situation d’autant plus préoccupante que, depuis près de deux ans, le pays peine à exécuter son budget.
Le premier Conseil des ministres, un moment fondateur
Dans toute démocratie, le premier Conseil des ministres marque le véritable départ de l’action gouvernementale. Ce n’est pas qu’un simple rituel républicain : c’est le moment où le chef du gouvernement fixe le cap, définit les priorités économiques, sociales et institutionnelles, et donne le ton du mandat.
C’est aussi une étape symbolique de cohésion : autour du chef de l’exécutif, les ministres s’accordent sur les principes de solidarité gouvernementale, de discipline et de responsabilité collective. Ce moment est scruté par les citoyens, les investisseurs et les partenaires au développement, car il incarne la volonté de rupture, de continuité ou de réforme.
Sous la 4ᵉ République, le premier Conseil des ministres du gouvernement Edem Kodjo, tenu le 7 juillet 1994, reste cité comme un exemple de dynamisme et de clarté de vision, répondant aux préoccupations du moment : sécurité, diplomatie et économie.
Sous la 5ᵉ République, le contraste est saisissant. Avant même la tenue du premier Conseil des ministres, un membre du gouvernement a déjà quitté son poste. Un signe révélateur d’un problème de casting. Comment expliquer qu’il ait fallu près de cinq mois pour former un gouvernement, pour qu’un mois plus tard survienne un premier remaniement ?
Mme Manuella Modukpè Santos, ministre déléguée auprès du ministre de l’Économie et de la Veille stratégique, chargée de la Promotion de l’investissement, a laissé sa place à Arthur Lilas Trimua. Un départ qui alimente toutes sortes de rumeurs.
Budget 2026 : un processus institutionnel bloqué
Cette lenteur politique n’est pas sans conséquences. Le pays est en pleine session budgétaire, mais le gouvernement n’a toujours pas adopté le projet de loi de finances 2026, préalable indispensable à sa transmission au Parlement.
Dans la zone UEMOA, le Togo fait figure d’exception : le seul pays non en crise à n’avoir pas encore enclenché le processus d’adoption de son budget. Interrogés sur ce retard, les fonctionnaires du ministère du Budget restent évasifs.
Pourtant, le processus est clair :
-Chaque ministère prépare ses propositions de dépenses et de recettes ;
-Le ministère de l’Économie et des Finances consolide ces données dans un avant-projet de loi de finances ;
-Le document est ensuite adopté en Conseil des ministres avant d’être transmis à l’Assemblée nationale pour examen, amendement et adoption finale.
Mais sans Conseil des ministres, aucune adoption n’est possible. Cette inertie institutionnelle retarde la planification économique et bloque la mise en œuvre de politiques publiques essentielles — en matière d’éducation, de santé, de sécurité ou d’infrastructures.
Même la présentation de la politique générale du gouvernement, annoncée tambour battant, se fait toujours attendre. Preuve que le problème du Togo dépasse largement la simple question constitutionnelle.
Quand la lenteur devient système
Depuis la formation du gouvernement, deux semaines ont été consacrées aux passations de services, suivies de visites protocolaires dans les ministères. Pendant ce temps, le pays attend, les urgences s’accumulent et l’économie tourne au ralenti, tandis que le PC demeure dans l’expectative, offrant ses bons offices pour résoudre des crises ailleurs, alors que son propre pays n’est pas loin d’une crise.
Comment un exécutif qui promettait d’en finir avec la bureaucratie et la lenteur peut-il débuter son mandat dans un tel immobilisme ?
Et un chef de gouvernement qui a mis cinq mois à constituer son équipe pourra-t-il réellement exiger célérité et rigueur de ses collaborateurs ?
Changer les institutions ne suffit pas
Au fond, le problème du Togo n’est peut-être pas celui du régime, mais celui des mentalités.
Changer de Constitution ou de système politique ne produit aucun effet sans volonté de servir, discipline d’État et patriotisme sincère.
Le passage au régime parlementaire devait être une promesse d’efficacité. Il risque, s’il se limite à un simple changement de façade, de devenir une nouvelle déception nationale.
Le Togo n’a pas seulement besoin d’un nouveau régime : il a besoin d’un nouveau rythme — celui où le temps politique cesse d’être perdu, où la réforme devient action, et où le patriotisme ne se dit plus, il se prouve.
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Albert AGBEKO
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