Take a fresh look at your lifestyle.
YAS SOWE-HEADER
YAS Kozooh 1200X300-1G

Togo : du pays des tracts à celui des rumeurs

YAS Kozooh 1200X300-1G

Au Togo, le silence des autorités et l’opacité dans la gestion des affaires publiques nourrissent les rumeurs et la désinformation. Dans un pays où la communication officielle se raréfie, la rumeur est devenue la principale source d’information. Une situation qui rappelle, à bien des égards, les années sombres du régime de plomb.

YAS SOWE

Le pays sans reddition de comptes

Au Togo, les autorités semblent penser qu’elles gouvernent pour elles-mêmes, sans avoir de comptes à rendre à personne. La reddition des comptes est tout simplement absente de leur vocabulaire.

La preuve : la déclaration des biens, qui oblige certaines personnalités publiques, hauts fonctionnaires et agents de l’État à révéler leurs avoirs — y compris ceux détenus à l’étranger — a été, après de multiples révisions, purement et simplement supprimée.

Pourtant, on a longtemps soutenu dans ce pays que le régime parlementaire est un régime de vertu, plaçant le citoyen au centre des préoccupations. Aujourd’hui, c’est le black-out total à tous les niveaux de la vie nationale. La gestion du pays se fait dans une opacité absolue. Les textes que l’État s’est lui-même donnés ne sont pas respectés. Personne ne sait comment le pays est administré, et ceux qui exercent le pouvoir ne rendent de comptes à personne.

Quand le silence alimente la rumeur

Dans ce climat d’opacité, le discours officiel se fait rare, laissant le champ libre aux rumeurs, qui ne sont démenties que lorsque certains intérêts sont menacés. Comment peut-on continuer à diriger un pays, en plein XXIᵉ siècle où tout repose sur la communication, comme si l’on vivait encore à une autre époque ?

Alors qu’ailleurs, les agendas des chefs d’État sont publiés plusieurs mois à l’avance, ici, tout est entouré du sceau du secret-défense. Au Togo, personne n’a vu le décret nommant Djigbodi Yawa Tsègan au poste de Commissaire générale de l’Office togolais des recettes (OTR). Même l’ordre du jour des réunions de l’Assemblée nationale est traité comme un mystère. Les députés sont convoqués sans en connaître le contenu, comme si l’on cherchait à cacher quelque chose au peuple — ce même peuple qui leur a donné mandat pour le représenter.

Autrefois, l’ordre du jour des séances plénières de l’Assemblée nationale était annoncé au public dans le journal télévisé. Cette pratique a été supprimée sous la présidence d’Abass Bonfoh, à la suite des manifestations des journalistes contre la modification du code de la communication, et des revendications de l’opposition (ANC) pour le retour de ses députés au Parlement.

Un vide de communication comblé par les “on-dit”

Faute de communication officielle, les rumeurs vont bon train. Ainsi, à la veille de la séance du 28 octobre 2025, diverses informations contradictoires circulaient : certains parlaient de l’élection d’un nouveau président de l’Assemblée nationale en remplacement de Kodjo Adedze et de ses quatre vice-présidents nommés à d’autres postes ; d’autres évoquaient la présentation de la politique générale du gouvernement par le président du Conseil, Faure Gnassingbé.

Ce n’est qu’après l’annonce officielle du voyage de Faure Gnassingbé à Luanda, pour assister au 3ᵉ Sommet sur le financement des infrastructures en Afrique, que cette rumeur a été dissipée. Plus tard, un communiqué de l’Assemblée nationale a confirmé que la réunion serait consacrée à l’élection du président du Parlement et de quatre autres membres du bureau.

Lire aussi : Togo : boycott parlementaire, communication politique ou aveu d’impuissance ?

À ce jour, seuls les voyages du président du Conseil à l’étranger sont systématiquement annoncés à la population, même si l’on peut douter que tous le soient réellement. C’est tout de même un pas en avant.

Mais on ne peut prétendre lutter contre la désinformation si les autorités elles-mêmes refusent de communiquer. Là où il n’y a pas d’information claire et crédible, la rumeur s’installe naturellement.

Un retour en arrière inquiétant

Le Togo semble avoir fait un retour en arrière, vers les années 1970-1980. À cette époque, sous le régime autoritaire du « Timonier », la liberté d’expression était muselée, et les citoyens n’avaient pour moyen d’expression que les tracts. Notre pays était connu comme un pays de tracts. Chaque jour, ces tracts circulaient clandestinement à travers le pays, et plusieurs procès étaient intentés contre leurs auteurs. C’est d’ailleurs l’un de ces procès qui a conduit à la révolution du 5 octobre 1990. On disait alors que même ce que l’on murmurait à l’oreille dans sa chambre était connu du Timonier.

Aujourd’hui encore, les dirigeants togolais gagneraient à communiquer davantage, plutôt que d’entourer leurs actions d’un black-out digne d’un autre âge.

Il est temps que le pouvoir redonne à la parole publique sa place. La transparence ne fragilise pas un régime, elle le légitime. Car un peuple bien informé ne se nourrit pas de rumeurs : il construit la vérité avec ceux qui le gouvernent.

Mais au fond, la question n’est pas seulement celle de la communication, mais celle de la gouvernance. Un pouvoir qui ne parle pas à son peuple finit toujours par en avoir peur. Et quand la parole officielle se tait, c’est la rumeur qui gouverne à sa place.

 

Sauf autorisation de la rédaction ou partenariat pré-établi, la reprise des articles de togoscoop.tg, même partielle, est strictement interdite. Tout contrevenant s’expose à des poursuites.

Francine DZIDULA

E-Mail: togoscoop@gmail.com

Tél : (00228) 90 96 63 64/ 99 56 57 88 : Pour vos reportages, annonces et publicité, contacter le service commercial de votre site Togoscoop.

 

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

30 − = 25
Powered by MathCaptcha

This website uses cookies to improve your experience. We'll assume you're ok with this, but you can opt-out if you wish. Accept Read More

Privacy & Cookies Policy