
Accepter de siéger à l’Assemblée nationale après le retrait des élus de l’Alliance nationale pour le changement (ANC) et des Forces démocratiques pour la République (FDR), c’est faire le choix du jeu démocratique. Mais que l’Alliance démocratique pour le développement intégral (ADDI) et la représentante de la Dynamique pour la majorité du peuple (DMP) annoncent, quelques mois plus tard, qu’elles boycottent la session de clôture du Parlement, relève d’un double discours, voire d’une mauvaise foi manifeste.

Être député, c’est avant tout exercer une mission de contrôle de l’action gouvernementale. Alors que le pays traverse une grave crise marquée par la répression violente de manifestations pacifiques, les députés de l’opposition devraient saisir toutes les occasions d’interpeller le gouvernement, notamment le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, afin qu’il s’explique sur les arrestations massives de jeunes et les dérives sécuritaires.

Or, depuis leur entrée au Parlement, ces élus n’ont initié aucune action allant dans ce sens. Et connaissant leur goût prononcé pour les médias, nul doute que s’ils avaient agi, ils s’en seraient largement prévalus. Pour ce premier semestre de l’année, le constat est sans appel : zéro interpellation, zéro question orale, zéro initiative parlementaire marquante.
Lors de la précédente législature, reconnaissons à Gerry Taama le mérite d’avoir entretenu un lien régulier avec l’opinion publique, notamment à travers ses canaux numériques. Aujourd’hui, le Parlement a perdu toute visibilité. Les citoyens ignorent ce qui s’y fait en leur nom. On a parfois l’impression que certains députés vivent encore à l’époque où il fallait attendre l’intersession pour « descendre à la base ». Pourtant, le monde a changé, et les outils numériques offrent désormais mille et une façons de rester connectés à la population.
Le boycott de la dernière journée de la session parlementaire – une simple cérémonie protocolaire – donne l’image d’une opposition plus préoccupée par ses émoluments que par la défense des intérêts vitaux du peuple. Et ce alors même que ce peuple, celui-là même qui les a élus, est aujourd’hui réprimé, emprisonné, parfois même battu chez lui ou dans la rue.
Pourtant, Mme Kafui Adjamagbo justifiait sa présence au Parlement par la nécessité de défendre les prisonniers politiques : « Nous devons œuvrer pour que ceux à qui l’on reproche simplement d’avoir exprimé une opinion soient libérés, que cessent les atteintes à la liberté d’expression. » Mais aujourd’hui, le nombre de détenus politique a presque doublé, dans le silence assourdissant des élus.
Face à cela, que fait l’opposition parlementaire ? Elle semble davantage préoccupée par les prochaines élections municipales que par la situation des droits humains dans le pays. Elle appelle à la désobéissance civile, en invoquant l’article 150 de l’ancienne Constitution, mais continue à participer à un processus électoral dont elle-même dénonce les fondements. Contradiction ?
Dans ses vœux de début d’année, le professeur Aimé Gogué insistait sur l’importance de la liberté d’expression, et du respect de la diversité comme piliers d’une démocratie. Mais force est de constater qu’il semble désormais plus soucieux d’obtenir le titre de chef de file de l’opposition que de défendre les libertés fondamentales, qui, elles, se réduisent chaque jour un peu plus comme une peau de chagrin.
Certes, l’opposition dénonce la militarisation croissante de la gestion des protestations. Mais elle reste muette sur son incapacité chronique à proposer une alternative crédible, unie, structurée, et surtout en phase avec les aspirations de la jeunesse mobilisée. Résultat : cette jeunesse ne les écoute plus. Ce sont les influenceurs qui captent désormais l’attention et la colère. Or, l’indignation seule ne fait pas un projet politique.
Aujourd’hui, le rôle d’un élu est démultiplié : il ne s’agit plus seulement de dénoncer, mais de proposer, d’agir, de prendre des initiatives concrètes. L’interpellation ministérielle, l’amendement de lois liberticides, la mobilisation de la représentation nationale, autant d’outils parlementaires à disposition – mais encore faut-il vouloir les essayer.
En définitive, cette lettre ouverte, bien que forte dans son ton et fondée dans son indignation, apparaît davantage comme un geste symbolique que comme une initiative politique structurante. Elle donne l’image d’une opposition marginale dans l’action, incapable de transformer la colère en stratégie institutionnelle durable.
Francine DZIDULA
E-Mail: togoscoop@gmail.com
Tél : (00228) 90 96 63 64/ 99 56 57 88 : Pour vos reportages, annonces et publicité, contacter le service commercial de votre site Togoscoop.