Togo : Face à l’usurpation démocratique, l’Eglise refuse de se taire

Au Togo, alors que la classe politique se perd dans des calculs de pouvoir, que la société civile semble bâillonnée ou démobilisée, une seule voix continue de retentir avec une clarté et une dignité rares : celle de la Conférence des Évêques du Togo (CET). Dans un contexte marqué par une révision constitutionnelle aussi précipitée qu’injustifiée, la CET vient, une fois encore, jouer son rôle de vigie morale. Et cette fois-ci, c’est toute la Vème République, née dans la douleur, l’opacité et la frustration, qui est placée face à son péché originel.

Il faut le dire sans détour : le passage de la IVème à la Vème République, entériné le 3 mai 2025, est un acte fondateur d’un désordre institutionnel soigneusement organisé. Le peuple togolais, pourtant souverain, a été tenu à l’écart d’un processus qui aurait dû être le socle d’un nouveau contrat social. En lieu et place d’un débat national inclusif, c’est une réforme constitutionnelle adoptée à la va-vite par une Assemblée nationale en fin de mandat – donc sans légitimité – qui a décidé de l’avenir de tout un pays.

Face à cette manœuvre, la CET avait déjà tiré la sonnette d’alarme en mars 2024. Mais les autorités sont restées sourdes à cet appel à la sagesse. Aujourd’hui, les Évêques le rappellent avec gravité : “Une Nation ne se bâtit pas durablement sur le silence imposé, sur la peur suscitée et entretenue, sur le mépris de la voix de son Peuple.” Ce constat n’est pas qu’un simple rappel théologique : c’est un diagnostic politique d’une justesse implacable.
On assiste à un cafouillage politique d’autant plus dangereux qu’il s’opère dans un climat de pauvreté rampante, de désespoir grandissant et de crispations sociales multiples. Le pays ne respire plus, il retient son souffle. Et pourtant, le pouvoir continue de feindre la normalité, d’inventer un consensus imaginaire et de gouverner en vase clos. Le risque est énorme : en niant les frustrations, en étouffant les voix discordantes, le régime fabrique des bombes sociales à retardement.
La CET, dans sa récente déclaration du 26 mai 2025, signe un acte de courage et de lucidité. Et au passage, elle tord le cou à une idée tenace : non, ce n’était pas Mgr Barrigah seul qui inspirait la voix prophétique de l’Église catholique. Sa disparition n’a pas fait taire la conscience morale de l’Église. La sortie de la CET vient rappeler que cette institution ne parle ni pour plaire, ni pour complaire. Elle parle pour éclairer.
La Vème République togolaise, ainsi inaugurée dans le déni et la brutalité institutionnelle, est déjà entachée d’un vice de naissance : celui de l’exclusion. Le chemin de l’apaisement, que la CET appelle de ses vœux, passera inévitablement par un dialogue national sincère, non imposé, non biaisé. Il est urgent que les autorités entendent cet appel, avant que le silence ne devienne vacarme, et la patience du peuple, explosion.
Le peuple togolais mérite mieux qu’un simulacre de République. Il mérite une démocratie vivante, participative, fondée sur la vérité, la justice et la dignité. C’est à cela que la CET convie chaque citoyen, chaque acteur politique, chaque conscience libre. Il est encore temps d’éviter le chaos. Mais le temps presse.
Francine DZIDULA
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