
Une image qui révolte et interroge la conscience nationale. Depuis le premier jour de manifestation lancé par les influenceurs togolais, une image choquante et virale circule sur les réseaux sociaux, soulevant une vague d’indignation. On y voit deux à trois agents en uniforme – tandis qu’un quatrième attend à moto – s’acharner à coups de matraque sur une femme non armée, déjà presque à terre. Autour d’eux, des passants figés, sidérés, n’osent intervenir, paralysés par la peur ou l’effet d’intimidation.

La scène, visiblement filmée à Adakpamé par un témoin discret, jette une lumière crue sur les méthodes brutales de répression utilisées par les forces de l’ordre. Cette image, insoutenable, met à nu une violence qui dépasse l’entendement, surtout en l’absence de toute menace apparente ou résistance de la part de la victime. Elle ne cesse de crier : « Je ne suis pas manifestante ! » — un cri d’innocence ignoré, étouffé sous les coups.
Comment rester silencieux devant une telle inhumanité ? Comment justifier cette brutalité policière ? Elle ternit l’image de notre armée et soulève des questions graves sur ses pratiques, d’autant plus qu’à peine quelques semaines auparavant, après les arrestations du 6 juin 2025, des allégations de torture sur des femmes avaient déjà été portées à son encontre.
Le commissaire Maurice Grimaud, célèbre pour avoir évité une tragédie en mai 1968 en France, nous rappelait pourtant :
« Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même. Il est encore plus grave de frapper un manifestant arrêté, une fois dans les locaux de police. »
Mais face à ces violences répétées, c’est le silence des autorités qui choque le plus. Ce mutisme, perçu comme une forme de caution, interroge profondément. Comment peuvent-elles se murer dans l’indifférence alors que l’armée, censée protéger les citoyens, semble devenir leur principal bourreau ?
Pourquoi cette armée, pourtant saluée à l’international pour son professionnalisme et son respect du droit humanitaire sous la bannière des Nations unies, devient-elle sur le sol national un prédateur pour sa propre population ? Pourquoi considère-t-elle le peuple comme un ennemi intérieur à éradiquer ?
Non, rien ne peut justifier l’usage disproportionné de la force. Pas même le caractère non autorisé d’une manifestation. Le rôle des forces de l’ordre est d’encadrer les foules, de ramener le calme, de sécuriser les lieux pour permettre la libre circulation. À aucun moment, cela ne doit signifier tirer à bout portant sur des manifestants aux mains levées, envahir des domiciles, procéder à des enlèvements nocturnes, ni rouer de coups un citoyen menotté. S’en prendre à des passants est encore moins défendable.
Plus grave encore est la mobilisation, dès les premiers jours, des militaires – les forces dites du « troisième niveau » – qui, par définition, ne sont pas formées aux techniques de maintien de l’ordre. Une décision d’autant plus incompréhensible que les appels à la mobilisation étaient, à l’origine, pacifiques. L’extrême violence déployée a fini par radicaliser les esprits.
S’il reste encore une once d’humanité et de respect des valeurs républicaines dans la hiérarchie militaire, il est urgent que les responsables se désolidarisent publiquement de ces actes barbares. Ils doivent faire la preuve qu’ils ne les tolèrent pas, en ouvrant une enquête impartiale pour situer les responsabilités. Car l’impunité nourrit et perpétue ces dérives.
L’image que l’armée donne aujourd’hui d’elle-même n’est plus celle d’une institution de protection, mais celle d’un corps brutal, craint, voire haï. Cette rupture du lien armée-nation menace dangereusement la cohésion nationale. Demain, face à une menace réelle — terrorisme, extrémisme violent —, comment mobiliser une population traumatisée contre un ennemi commun, quand elle a déjà été brutalisée par ceux qui devaient la défendre ?
Il est urgent d’éteindre l’incendie avant qu’il ne soit trop tard. Car frustration, injustice et répression sont un terreau fertile pour les colères radicales. Et si les voies pacifiques ou démocratiques sont verrouillées, l’explosion devient inévitable.
Nous n’avons qu’un seul pays. Et c’est ensemble, dans le respect, la justice et le dialogue, que nous devons en être les gardiens. Pour aujourd’hui, mais surtout pour demain. Car l’avenir du Togo se joue maintenant. Chacun, à son niveau— armée, autorités, citoyens— doit œuvrer pour éviter à notre nation des lendemains tragiques.
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Albert AGBEKO
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