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Dossier/ Nuisance sonore des églises : Faut-il croire à un acharnement ?

 

Occultée au second plan par le remaniement ministériel, ce n’est pas autant que la dernière sortie en date du 8 septembre 2023 du Directeur des cultes, le Lieutenant-Colonel Bédiani Béléi, est passée dans l’opinion comme une lettre à la poste. Après le décryptage de la nouvelle équipe gouvernementale, le sujet sur la réglementation des nuisances sonores et de l’interdiction de l’implantation de nouveaux lieux de culte revient sur la table de discussion.

Tout d’abord, cette sortie suscite un débat à savoir si le Directeur des cultes est habilité à travers une simple lettre à réglementer un domaine encadré par la loi ? En effet, au Togo la liberté religieuse et de culte est reconnue par la Loi fondamentale. Et elle est encadrée par des textes.

TOGOCOM

« Une note ne peut légiférer dans ce domaine », argumente une fidèle d’Eglise dite de réveil. « Non ! il ne s’agit pas de légiférer mais le Directeur des cultes n’a fait que rappeler une précédente décision prise par son supérieur, le ministre de l’Administration territoriale », rétorque un journaliste spécialiste des questions juridiques. Et donc pour ce dernier, il n’y a pas débat en la matière.

« Il n’appartient pas à l’autorité de nous dire quel jour et jusqu’à quelle heure nous devons-nous réunir. Il s’agit d’une intrusion inacceptable dans la vie des confessions religieuses. Ces dernières sont en droit de fixer les jours de leur adoration sans une imposition de l’Autorité. Nulle part ailleurs, l’Etat ne s’est immiscé dans ces choix », argumente Agbemavi, un pasteur d’église de réveil.

Mais le Pasteur Edoh Komi, le président du Mouvement Martin Luther King clarifie la sortie du Directeur des cultes. « Il n’y a pas d’interdiction de culte en semaine mais c’est des activités en inter-semaine qui doivent être exercées sans les instruments sonores. Il n’est pas interdit de faire des cultes en semaine mais il doit se faire sans les instruments sonores, sans les instruments de musique », précise-t-il tout soulignant qu’ils adhèrent à la mesure.

Comme lui de façon générale, les hommes de Dieu approuvent dans le fond la mesure. Même s’ils reprochent de n’avoir pas été associés et trouvent qu’il faut y aller par pédagogie.

« Je crois qu’il est bon de temps en temps de rappeler à l’ordre les responsables des églises car parmi eux, il y a certains qui ne comprennent rien et exagèrent vraiment. Mais on ne doit pas les traiter comme des enfants. Le directeur des cultes ferait mieux d’organiser des séminaires pour mieux les sensibiliser au lieu de pondre de tels communiqués », avance l’Evangéliste Habib Barth Afolabi, directeur de publication du magazine chrétien « Maranatha ».

Les adeptes du culte vaudou

« C’est une mesure qui vise à limiter les bruits nuisibles des adorations très bruyantes. Nous l’approuvons, juste qu’elle nous a surpris on aimerait être avertis d’avance », déclare un pasteur d’Eglise Adventiste du 7ème jour sous couvert de l’anonymat.  Il lève cependant l’équivoque sur le fait que selon les interprétations l’église Adventiste qui adore les samedis devrait changer son jour d’adoration étant donné que la note du Directeur des cultes ne reconnait aux confessions religieuses d’obédience chrétienne que dimanche comme jour d’adoration.

« Non, pas du tout », souligne notre pasteur adventiste pour qui après la note, ils ont interpellé le Directeur des cultes qui a reconnu que c’est un oubli et par conséquent, il a fait une rectification et en plus il a envoyé un second message pour expliquer le point 3, précise le pasteur adventiste.

En effet, par note rectificative en date du 13 septembre 2023, le Directeur a fait des précisions sur les jours de cultes et le point les célébrations en semaine.

Le pasteur Elie Ndjekonorde du Conseil chrétien regrette que les riverains tolèrent les bruits des bars et des moulins mais sont intransigeants avec les églises. Toutefois, ils conseillent les églises à suivre les 80 décibels recommandés par les autorités, que « les pasteurs respectent cela, maintenant si ça dépasse on peut fermer les églises. Dimanche beaucoup d’églises ont été épinglées parce qu’elles ont dépassé les décibels autorisés. Nous demandons à tout le monde de bien régler la sonorisation. Si on veut aller au-delà de 20h il faut négocier avec les riverains ».

Généralement, c’est en cas de plainte des riverains pour nuisance sonore qu’une équipe de policiers et gendarmes « mène une enquête et interpelle le contrevenant qui s’expose aux sanctions légales prévues ». Selon le Code pénal dans son article 536 : « Toute personne qui, en dehors des fêtes publiques et usages, fait un tapage injurieux ou nocturne, est punie d’une amende de 100 000 à 500 000 francs CFA ».

« Il n’y a plus un leader ecclésiastique intègre dans ce pays qui puisse démontrer par A+B que cette mesure est contraire à la volonté de Dieu. Ils sont tous sont trempés et sont dans l’accompagnement des autorités. Et c’est bien dommage pour nous », révèle un fidèle.

Avec cette mesure, « les églises préfèrent être en bon terme avec le voisinage mais en rupture avec Dieu », commente un fidèle pour qui cette mesure portera un coup dur aux croisades, et aux campagnes d’évangélisation. « C’est un coup dur porté à l’église », lâche-t-il.

 

 

ACHARNEMENT CONTRE LES EGLISES ?

HCRUNN

 

Même si les hommes de Dieu sont d’accord qu’il faut appliquer les textes en matière de nuisance sonore, ils dénoncent en revanche un certain acharnement contre les lieux d’adoration.

Il faut un règlement de façon générale de la nuisance sonore car au moment où on parle de nuisance sonore occasionnée par les activités religieuses, « il faut qu’on aborde aussi le cas de la nuisance générée par les activités économiques à savoir : les bars, les moulins, les restaurants … sinon ce sera deux poids deux mesures et on penserait à un acharnement, à une persécution de l’Etat contre l’Eglise », préconise le pasteur Edoh. Or, les églises jouent un rôle d’utilité publique dans la nation, précise l’Evangéliste Afolabi.

« Si on interdit aux églises de faire la musique en semaine, il faut le faire également pour les bars, les moulins. Ce n’est pas les bruits de l’église seulement qui gênent, qui troublent l’ordre public ; il faut de l’équité dans les décisions. Il faut régler cela de manière juste et équitable », précise encore le pasteur Edoh.

 

LES BARS POUSSENT MAIS L’IMPLANTATION DES EGLISES INTERDITE

 

Mais une source proche de la Direction des cultes estime que le secteur des bars, moulins échappe au contrôle de cette Direction.

L’autre point qui suscite débat dans la sortie du Directeur des cultes concerne l’implantation des nouveaux lieux de culte qui, selon la note, est « formellement interdite ». Ici aussi le lien avec les bars est fait.

« Il faut lever la suspension pour permettre aux nouvelles églises de naître. Les bars poussent mais on ne veut pas que les églises poussent, on ne comprend pas », fustige le pasteur Edoh.

Pour l’Evangéliste Afolabi, l’Eglise en général dans son essence est appelée à s’étendre, à se répandre, à évoluer, « interdire aux nouveaux convertis loin des églises déjà dûment établies de se réunir entre eux pour adorer, c’est faire entorse à la liberté de réunion et de religion reconnues par notre Constitution », admet le Directeur de publication de Maranatha. Il parle de persécution à l’endroit de l’Eglise.

Pour taire ces guerres de compréhension, l’Evangéliste préconise la nomination d’un directeur des cultes dédié à chaque confession religieuse c’est à dire un directeur pour les chrétiens, un pour les musulmans et un pour les religions endogènes etc, tous placés sous la tutelle du ministère de l’administration territoriale. Pas évident qu’il sera suivi.

Au Togo, 500 églises sont déclarées et disposent d’un récépissé, tandis que plusieurs existent et agissent dans l’illégalité.

Après avoir anéanti les partis politiques, affaibli les associations et syndicats, clochardisé la presse, le pouvoir serait-il en train de porter encore un coup aux églises ?

 

 

Albert AGBEKO

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