
À Dapaong, une nouvelle forme d’escroquerie s’est installée dans l’ombre du pouvoir. Se présentant comme « enquêteurs » ou « informateurs« , des individus profitent de leur supposée proximité avec les autorités pour intimider, soutirer de l’argent et semer la peur au sein de la population. Ces derniers temps, sous couvert de lutte contre l’insécurité, ils dénoncent à tort et manipulent des enquêtes pour servir leurs intérêts personnels. Une situation qui instaure un climat de méfiance dans la ville.

Cette semaine, suite à la plainte d’une victime, une enquête de la gendarmerie a permis d’arrêter l’un des escrocs. Ce mardi 25 mars 2025, il a été déposé en prison.

Depuis quelques années, un phénomène inquiétant s’est développé à Dapaong : celui des prétendus « enquêteurs » ou « agents de renseignement« . Ces individus, souvent sollicités pour fournir des informations aux autorités, ont proliféré depuis 2019, à la faveur des manifestations politiques déclenchées par le Parti National Panafricain (PNP). Moyennant des bons de carburant, du crédit de communication et quelques billets de banque, ces informateurs surveillaient et dénonçaient toute tentative de rassemblement, toute réunion politique ou marche contestataire. Mais avec le temps, leur rôle a dérivé vers des pratiques bien plus sombres.
Pour prouver leur utilité à leurs « employeurs », nombre d’entre eux se sont livrés à de faux rapports, accusant injustement des citoyens, souvent par rancune personnelle. Certains ont même été sollicités pour régler des comptes en dénonçant des adversaires encombrants. La crise sécuritaire leur a ensuite offert une nouvelle opportunité : ils ont été utilisés pour aider les forces de l’ordre à identifier des suspects et signaler des activités illégales, comme la vente de carburant ou de produits pharmaceutiques. Cependant, certains ont exploité cette mission à des fins personnelles, entraînant l’arrestation arbitraire de nombreuses personnes innocentes.
L’une des récentes victimes, L. D., un jeune homme revenu de Côte d’Ivoire après avoir travaillé dans les mines, est tombé dans les filets de ces faux agents. Après l’achat d’une parcelle et le début des travaux de construction de sa maison, il a été approché par un certain Tarandja, conducteur de taxi-moto, qui lui a annoncé que la gendarmerie le soupçonnait de liens avec des groupes armés et qu’il était recherché. Tarandja lui suggéra de fuir et de lui confier la gestion du chantier, une proposition suspecte que L. D. refusa. Dès lors, il fut harcelé par Tarandja et ses complices, certains se faisant passer pour des gendarmes.
Plus tard, Tarandja lui recommanda les services d’un certain M. R., présenté comme un intermédiaire capable de « l’innocenter« . Ce dernier lui demanda 150 000 FCFA pour effacer son nom des dossiers, lors d’une rencontre dans la nuit du 17 mars 2025. Soupçonnant une arnaque, Lamdjok décida de se présenter directement à la gendarmerie pour dénoncer ces manœuvres. Une enquête fut aussitôt ouverte et, le jeudi 20 mars, M. R. fut interpellé, tandis que Tarandja prenait la fuite. Présenté au procureur après quatre jours de garde à vue, le prévenu a reconnu les faits. Les éléments de la gendarmerie sont à pied d’œuvre pour interpeller les autres membres du réseau.
Ces dernières années, de nombreux escrocs à Dapaong ont prétendu entretenir des relations privilégiées avec des hommes politiques ou des officiers des forces de l’ordre pour soutirer de l’argent aux citoyens. Si le ministère de la Justice a mis fin au phénomène des démarcheurs de justice, il est tout aussi essentiel d’éradiquer ces faux enquêteurs qui sèment l’inquiétude au sein de la société.
Ce type d’agissement, facilité par la confiance aveugle que les autorités accordent à ces « informateurs« , a de lourdes conséquences. En plus de jeter des innocents en prison, ils alimentent la peur et la méfiance au sein des communautés. La délation et la manipulation créent un climat de suspicion généralisée, où chacun redoute d’être la prochaine victime d’un faux rapport.
Plus grave encore, cette instrumentalisation des dénonciations altère les relations entre civils et forces de défense et de sécurité. La population, au lieu de collaborer avec les autorités pour lutter contre la menace terroriste, se méfie désormais de ceux qui sont censés assurer sa protection. Si ces dérives ne sont pas rapidement stoppées, elles risquent d’aggraver la fracture entre l’État et ses citoyens, compromettant toute stratégie sécuritaire durable.
Clarisse AFANOU
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