La protection des civils au Sahel : l’hémorragie humaine d’une région en crise

Sous un soleil écrasant, Fati Ouedraogo serre contre elle son dernier-né dans ce camp de déplacés où l’humanité se mesure en ration de survie. « Ils sont venus à l’aube. Les coups de feu, les cris… Nous avons couru sans rien prendre« , raconte cette mère de trois enfants, les yeux rivés sur l’horizon comme pour y chercher un passé à jamais perdu. Son histoire se répète des milliers de fois à travers le Sahel, où la violence et le désespoir redessinent la géographie humaine de toute une région.

Une région en proie aux démons

La crise sahélienne se nourrit d’une combinaison toxique où se mêlent conflits armés, dérèglement climatique et effondrement des structures étatiques. Dans le nord du Burkina Faso, les attaques des groupes armés rythment le quotidien des populations prises en étau. « Rester, c’est risquer la mort. Partir, c’est tout perdre« , résume Amadou Diallo, ancien instituteur rencontré dans un camp de fortune à Ouahigouya.
A Djibo, ville fantôme du nord burkinabè, le siège imposé par les groupes armés dure depuis plus de deux ans. « Nous mangeons ce que nous trouvons. Les médicaments ? Un rêve« , confie un médecin local sous couvert d’anonymat, la voix brisée par l’épuisement.
L’enfer des déplacés
Dans les camps qui ceinturent les grandes villes sahéliennes, la survie se gagne au prix de mille privations. Aïcha, 17 ans, a fui son village malien après que des hommes armés ont enlevé sa sœur. « Je cours encore dans mes cauchemars« , murmure-t-elle dans le centre d’accueil de Tillabéri au Niger.
Les femmes et les enfants paient le plus lourd tribut à cette crise. « Elles arrivent souvent seules, traumatisées, avec des enfants à charge », explique une travailleuse humanitaire qui préfère garder l’anonymat par sécurité. Les violences sexuelles sont devenues une arme de guerre silencieuse, tandis que plus d’un million d’enfants burkinabès ont vu leur éducation brutalement interrompue.
Résilience au quotidien
Pourtant, au milieu de ce chaos, des îlots de résistance et d’espoir persistent. A Garin Kaka, au Niger, des familles déplacées et des communautés locales ont créé un modèle de coexistence fragile mais porteur d’espoir. « Ici, nous réapprenons à vivre », confie Moussa, agriculteur malien qui a fui les violences il y a trois ans.
Dans certains camps, des écoles mobiles tentent de sauver ce qui peut l’être. « Je veux devenir médecin pour soigner ceux qui souffrent comme nous« , lance Fatoumata, 12 ans, son cahier serré contre sa poitrine comme un trésor.
L’urgence d’agir
Alors que les besoins humanitaires atteignent des niveaux sans précédent, l’aide internationale peine à suivre. « Nous distribuons des rations réduites. C’est insupportable« , regrette un responsable d’ONG sous couvert d’anonymat.

Les acteurs locaux, pourtant les plus à même d’intervenir dans les zones dangereuses, ne reçoivent qu’une infime partie des fonds. « Nous connaissons le terrain, les langues, les coutumes. Mais sans moyens, nous sommes impuissants« , déplore un travailleur social malien.
Le temps presse
A l’heure où ces lignes sont écrites, des milliers de Sahéliens continuent de fuir chaque jour. « Nous ne sommes pas des statistiques. Nous sommes des êtres humains qui méritent de vivre dignement« , lance Ibrahim, ancien commerçant de Ménaka, les yeux brillants de colère et de tristesse.
Dans cette course contre la montre humanitaire, chaque jour perdu se compte en vies brisées. Le Sahel saigne, et le monde ne peut plus détourner le regard.
Yaovi AGBEGNIGAN
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