Devoir de mémoire : une visite présidentielle qui tourne au fiasco sur le campus de Lomé

En pleine tourmente universitaire, marquée par des mois de grève et le non-paiement de bourses depuis plus d’un an (16 mois au total) dans certaines facultés, le président togolais de l’époque, Gnassingbé Eyadema, a tenté une approche directe en se rendant sur le campus universitaire de Lomé le mardi 8 mai 2001. Sa visite, annoncée comme un geste d’écoute et de dialogue, s’est rapidement transformée en un moment de tension et de rupture.

Devant un auditoire composé d’enseignants et d’étudiants visiblement à bout, le président Eyadema a tenté de détendre l’atmosphère en usant d’humour, qualifiant les étudiants de « mes voisins d’à côté », en référence à la proximité entre l’université et sa résidence présidentielle située à Lomé 2. Mais sur le fond, le chef de l’État n’a pas répondu aux attentes des étudiants. En guise de solution, il a annoncé le paiement d’un seul mois de bourse, évoquant des perspectives liées à la découverte du pétrole offshore pour justifier l’attente du reste des arriérés.

Cette déclaration a été perçue comme une provocation par les étudiants, qui ont alors hué le président aux cris de « Eyadema hooooo », un affront rare et symbolique dans un régime autoritaire. Visiblement vexé, le président a quitté les lieux précipitamment, tandis qu’une partie de son escorte s’en est violemment prise aux étudiants.
Cet épisode marquera un tournant. Pour « punir » ce qu’il a perçu comme une humiliation, le président Eyadema décide d’augmenter drastiquement les frais d’inscription à l’Université de Lomé, les faisant passer de 4 500 F CFA à 50 000 F CFA pour l’année académique suivante. Face à cette mesure impopulaire, les étudiants organisent alors une démarche symbolique : ils se rendent à Lomé 2 pour présenter leurs excuses en chantant « Gaffara Baba, baba gaffara oooo» (pardon Baba nous sommes tes enfants).
Cet événement reste dans la mémoire collective comme l’un des rares moments de confrontation directe entre le pouvoir et la jeunesse universitaire togolaise durant le long règne d’Eyadema, révélant à la fois la tension sociale et l’expression d’un ras-le-bol face à des années de négligence du secteur éducatif.
…Parce qu’un peuple sans histoire est un monde sans âme.
Albert AGBEKO
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