

Le Conseil des ministres a examiné et adopté en sa séance du 7 mars 2022, un avant-projet de loi portant modification de certaines dispositions du code électoral. L’adoption de cet avant-projet de loi, fait suite à celle de la loi portant création de régions au titre des collectivités territoriales qui ouvre la voie à la préparation effective des élections régionales. Cette énième modification de la loi électorale, qui devient banal, selon des analyses, participe à une stratégie de dénégation de la valeur des élections au Togo.
S’il y a un ministère dont les attributions suscitent curiosité depuis un moment, c’est bien le ministère sur le quel trône depuis sept ans Payadowa Boukpessi. Promu ministre d’Etat à la formation du gouvernement de Victoire Dogbé, personne ne vendait chère sa peau mais l’homme d’Adjengré a su dribbler les incertitudes pour capitaliser ses acquis auprès du prince. Quand on ne convoite pas le fauteuil de Faure Gnassingbé, il sait rester reconnaissant nous glisse un habitué des messes du soir. Au lieu d’une déchéance ou d’un retour au purgatoire qu’il a connu après son éviction en plein midi du ministère des Finances, l’éternel ministre des Gnassingbé, profitant du vent favorable aux conservateurs du régime, a su valoriser ses atouts de grand baroudeur pour conserver son fauteuil. Et depuis, l’homme aux allures de prêtre raté a transformé son cabinet. « On entend désormais qu’un seul patois aux conseils de cabinet », ironise un habitué des lieux. Le ministre a fait le ménage et se serait entouré d’amis, révèle notre source. Non seulement les collaborateurs qui tablaient sur leurs compétences ou leurs expériences ont payé par leurs postes au profit de zélés militants, mais le ministre de l’administration territoriale s’il faut l’appeler encore ainsi, a élargi ses tentacules jusqu’aux collectivités territoriales.
BOUKPESSI, LE PARRAIN DE LA MACHINE A FRAUDES
Si l’homme a su nommer ses hommes de main au secrétariat général des différentes préfectures, les maires, mêmes ceux qui sont issus de l’opposition, sont sous bonne surveillance car les secrétaires généraux des nouvelles communes sont nommés par le ministre Boukpessi, une compétence que lui confère la législation en la matière. Et ce ne n’est pas le mérite qui était le premier critère de choix. Des anecdotes aussi croustillantes sont distillées au sujet des secrétaires généraux de « Fo Gérard ». Avec son garçon de course porté à la tête de la direction de la décentralisation et des collectivités locales, le ministre Boukpessi a inondé les nouvelles communes d’agents aux compétences questionnables sous prétexte de redéploiement du personnel des anciennes délégations spéciales. Amis, copines, parents et surtout des inconditionnels du parti ont été recasés dans les nouvelles communes gonflant la masse salariale et rendant les décideurs locaux incapables d’engager des projets de développement au bénéfice de leurs communautés. Si Payadowa Boukpessi a pu bénéficier du silence de sa hiérarchie pour asseoir son système, c’est que son dispositif s’est montré efficace pour la machine à fraudes lors des dernières consultations électorales.
Le ministère des affaires électorales serait la dénomination réelle du département que dirige Payadowa Boukpessi. De ses attributions relatives au développement du territoire ou de la gouvernance frontalière, l’homme s’en occupe peu. Il nous est rapporté que pour les récépissés d’association, c’est à la tête du client. Selon qu’on est anonyme ou bien introduit dans le cercle des décideurs vous obtiendrez votre récépissé dans les délais impartis. Les tas de dossiers dorment dans les bureaux malpropres du chef de division en charge des associations. Les églises ne sont pas épargnées par la méthode Boukpessi. Les formalités pour la reconnaisse des associations religieuses sont également gelées malgré la bonne foi du Lt-col Béléi, un juriste qui appréhende le danger mais tenu par l’obligation de réserve et la discipline de son corps d’origine. Comme innovation notable, ce dernier n’a trouvé que de transformer sa direction des cultes en une brigade où s’enregistrent les plaintes de nuisances sonores et autres affaires de mœurs des indélicats pasteurs.
Flanqué d’un ministre délégué aussi invisible que les actions de son département, Payadowa Boukpessi ne peut pas trouver meilleur compagnon que son directeur de cabinet, le tristement célèbre magistrat hors corps, Robert Bakai. S’il y a un domaine où excelle le ministre d’Etat du gouvernement Faure-Dogbé, c’est l’organisation des élections. On devrait plutôt transformer son département en une école d’organisation des scrutins contestés. Le mérite lui revient de mettre l’opposition traditionnelle hors course pendant les législatives, de transformer les dernières élections locales en une orgie d’incompétents où personnalités de tout acabit sont portées à la tête des communes. Les marchandages de postes de maire entre une certaine opposition et la majorité avaient la bénédiction de l’ingénieur des ponts et chaussée. Son ingéniosité à ridiculiser les adversaires politiques du régime lui vaut toute la confiance du prince qui doit son quatrième mandat au tandem qu’il forme avec le Général Yark Damehame. Le parti au pouvoir ne pouvait pas trouver meilleur profil face à la levée de bouclier des rouges du PNP. Après avoir mis sous éteignoir le leader du parti, le charcutage de la loi sur les manifestations publiques a inauguré la nouvelle ère de verrouillage des libertés publiques.
L’amour de M. Boukpessi pour les affaires électorales a vite fait de transformer les présidents de commissions électorales en véritables garçons de courses. Certainement que le Pr Kodjona Kadanga n’appréciera pas, mais l’homme a dû prendre congé de ce carcan sans faire du bruit. Tchambakou Ayassor, également perdu des radars depuis les fameuses élections locales, est un indice supplémentaire. Tout laisse à croire que tout est cuisiné par le ministre de l’administration électorale (sic), du ministère de l’administration territoriale, qui maîtrise plus que quiconque l’agenda électoral. L’étape de la parodie de dialogue passées, le code électoral taillé sur mesure vient de passer au bistouri. Exercice récurrent pour entretenir le flou, avec les récents décrets de reconnaissance des chefs traditionnels, maillons essentiels dans le dispositif de fraude par leur qualité à témoigner pour les personnes ne disposant pas de pièces d’identité pendant la révision des listes électorales, on réalise aisément que tout est prêt pour formaliser la victoire des bleus turquoises pour les prochaines élections régionales. D’ailleurs, comme le dirait un politicien ivoirien « il n’y a rien devant », tant les adversaires les plus coriaces sont mis hors des frontières et les adversaires d’hier sont devenus des amis de la dictature au nom des intérêts, le poids de l’âge venant également à bout de leurs ambitions politiques.
L’appel à candidature pour siéger à la CENI lancée par la CENI, le casting et les tractations pour s’assurer de la loyauté pour les uns et de la maniabilité des autres fini, on a désormais le nom des nouvelles recrues du système de fraude. C’est encore les mains branlantes que le parti au pouvoir ira au prochain scrutin. Un excès de confiance qui n’est pas le fait d’un bilan positif ou de mesures sociales séduisantes, mais du fait d’un ministre futé qui, en sept ans d’exercice, a transformé son département en une aile marchante d’UNIR.
On pensait la période des commissions administratives ou de commission de recensement de vote sous le parti unique derrière nous, mais l’ambiance actuelle dans les CENI version Boukpessi y ressemble fort. Ça n’étonnerait pas de voir un soir sur les écrans de la TVT un ministre proclamer des résultats d’élection car il ne manque que ça au système actuel ; et le sentiment de la toute-puissance en vogue s’y prête. En attendant d’en arriver là, Monsieur le ministre peut également prendre un arrêté pour annexer la Commission électorale à la direction des affaires électorales de son département. Bonne chance aux prochains adversaires.
Mike ALMEYDA
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