TOGO : Arrestation d’Aamron, rappeur engagé et porte-parole d’une jeunesse frustrée

Tchalla Essowe Narcisse, plus connu sous le nom d’artiste Aamron, a été arrêté dans la soirée du 26 mai 2025 à son domicile situé à Agoè-Assivéyé, dans la banlieue nord de Lomé. Selon sa famille, une cinquantaine d’agents des services de renseignement ont fait irruption dans la maison familiale en pleine nuit. L’artiste, sans opposer de résistance, a été emmené.

Selon la famille, leur fils est accusé de souffrir de la démence. « Mon fils n’est pas fou », clame sa mère dans une vidéo bouleversante qui circule ce soir sur les réseaux sociaux. Sa fille, à peine une enfant, affirme elle aussi dans une autre vidéo : « Mon père n’est pas fou ».

Aamron, figure emblématique du rap togolais des années 2010, incarne aujourd’hui la colère et la frustration d’une jeunesse urbaine confrontée à un avenir incertain. Marquée par le chômage des diplômés, un accès limité aux soins, et minée par le clientélisme et le favoritisme, cette génération n’a connu que la dynastie Gnassingbé, au pouvoir depuis près de soixante ans. Dans ce climat de désillusion, Aamron est devenu leur porte-voix.
Ses directs sur TikTok, suivis par des milliers de jeunes, sont devenus des rendez-vous incontournables. Il y critique ouvertement Faure Gnassingbé, président du conseil des ministres, qu’il accuse de dilapidation des ressources nationales et interpelle sur ses vingt années à la tête du pays.
« Il est grand temps que des comptes soient rendus au peuple togolais. Le Togo appartient à tous, et le peuple en est le seul souverain. Où sont passés les 1 500 milliards de F CFA de prêts évoqués par le ministre Gnakadé ? Pourquoi n’y a-t-il aucun hôpital de référence dans nos régions ? », déclare-t-il dans l’une de ses vidéos les plus virales.
Pour Aamron, Faure Gnassingbé a trahi la jeunesse togolaise en protégeant les auteurs de détournements de fonds publics. Il pointe du doigt ceux mentionnés dans les rapports de la Cour des comptes, de l’ITIE et de Transparency International.
« J’ai lu ces rapports. Ils révèlent des détournements flagrants. Pourtant, les coupables sont toujours en liberté… Mais s’ils veulent m’arrêter, je suis là. Qu’ils viennent à Agoè-Assivéyé », lançait-il quelques jours avant son interpellation.
Il s’agit de la première arrestation d’un artiste engagé depuis l’instauration de la Vᵉ République au début du mois de mai 2025. Elle survient dans un climat de plus en plus répressif à l’égard des voix dissidentes. Plus tôt cette année, l’activiste et poète Honoré Sitsopé Sokpor alias Affectio avait également été arrêté pour un texte jugé subversif.
Des organisations de défense des droits humains et de la société civile exigent la libération immédiate d’Aamron. Elles rappellent qu’aujourd’hui, plus d’une centaine de prisonniers politiques et d’opinion seraient détenus dans les prisons togolaises.
Originaire comme Faure Gnassingbé de la région de la Kara, Aamron est le fils d’un officier supérieur des Forces armées togolaises (FAT). Il est considéré comme l’un des artistes les plus talentueux de sa génération. Pour l’instant aucune voix officielle n’a commenté cette arrestation.
Révélé au public en 2009 avec son single éponyme, il sort l’année suivante son premier album Black Boys, composé de seize titres. Le clip de la chanson-titre remporte en 2010 le prix de la meilleure vidéo aux Togo Hip Hop Awards. En 2011, son single « Alléluia tout baigne » lui vaut les distinctions de meilleur rap et de meilleure vidéo de l’année aux All Music Awards.
Albert AGBEKO
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