Dans une société où l’homosexualité est non seulement un tabou, mais également criminalisée, Kodjovi Emefa, un Togolais de 43 ans, témoigne de son combat pour vivre librement son orientation sexuelle. Son histoire révèle les violences et discriminations que subissent les minorités sexuelles dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, où l’homosexualité est perçue comme une offense aux mœurs et sévèrement réprimée par la loi.

Un parcours semé d’embûches

Depuis son adolescence, Emefa ressent une attirance envers les personnes du même sexe. Cette réalité, il la découvre à l’âge de 15 ans, au collège, mais garde son orientation secrète par peur des réactions de sa famille, de ses amis et des autorités. Pendant des années, il mène une vie en apparence conforme aux attentes sociales, allant même jusqu’à se marier avec une femme avec qui il aura deux enfants, afin de masquer son homosexualité.
Ce camouflage ne peut toutefois durer éternellement. Ce n’est que le 23 novembre 2020, lors d’une rencontre avec un expatrié français, qu’il décide enfin de s’assumer pleinement. Cependant, en juillet 2022, sa sœur découvre sa liaison avec un autre homme, un événement qui déclenche une série de persécutions et d’humiliations.
Persécution et marginalisation
À partir de ce jour, sa vie bascule. Sa famille, choquée, réagit avec violence : des cris, des menaces, et même un appel à la police. « Ils ont crié que j’étais envouté et m’ont promis que ma vie deviendrait un enfer si je ne changeais pas », raconte-t-il. Dans une société où l’homosexualité est mal vue et condamnée par l’article 392 du code pénal togolais, son coming-out le place en grand danger.
En novembre 2022, après une trahison d’un ami qui l’avait hébergé temporairement, il est arrêté par la police et emprisonné sans procès. En détention, il subit des violences physiques et psychologiques de la part des autres détenus. « Ils m’ont battu, failli me tuer parce que ce n’est pas une pratique acceptée ici », se souvient-il, encore marqué par l’épreuve. Finalement mis en isolement pour sa sécurité, il est libéré après une semaine, mais cette expérience le laisse profondément traumatisé.
Un espoir d’évasion
À sa sortie de prison, la situation est intenable. Ses collègues du travail sont au courant de son orientation sexuelle, rendant toute reprise d’une vie normale impossible. Il décide alors de quitter son pays. « J’étais pris en étau entre ma famille, qui voulait que je renonce publiquement à mon orientation, et la police, qui pouvait à tout moment m’arrêter à nouveau », confie-t-il. À bout de ressources, il entre en contact avec une amie canadienne qui lui suggère de venir vivre au Canada, un pays où il pourrait jouir de sa liberté sans crainte de persécution.
Un combat partagé
Ce témoignage n’est pas un cas isolé au Togo. Selon une étude de 2022 menée par le Programme national de lutte contre l’infection à VIH/sida et les Hépatites virales, on dénombre environ 14 012 hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) dans le pays. Ces chiffres mettent en lumière une communauté contrainte de vivre dans l’ombre, persécutée par des lois et des normes sociales archaïques. À ce jour, aucune initiative politique sérieuse n’est en vue pour décriminaliser l’homosexualité dans le pays, malgré les recommandations de plusieurs organismes internationaux.
Un appel pour un changement
Face à la répression, Emefa reste déterminé à militer pour les droits de la communauté LGBTQ+ au Togo. Bien que sa fuite soit une nécessité pour sa survie, il espère que son histoire contribuera à éveiller les consciences. « Je ne peux plus cacher qui je suis, même si cela signifie être pourchassé. La liberté n’a pas de prix », affirme-t-il. En quête de paix et de respect, Emefa symbolise le courage de milliers de Togolais et Togolaises qui attendent le jour où leur pays acceptera enfin leur droit d’aimer librement.
Ce parcours tragique met en exergue les défis qui persistent pour la communauté LGBTQ+ dans des pays où le poids des traditions et des lois pèse lourdement sur les minorités sexuelles. Pour Emefa, comme pour tant d’autres, vivre pleinement son identité reste un combat de chaque instant.
Francine DZIDULA
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