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Il fait le chou gras de la presse locale ces derniers jours et abondamment commenté sur les réseaux sociaux. Il s’agit de la diffusion des vidéos, devenues virales sur les réseaux de Marc Zuckerberg, provenant de plusieurs établissements de Lomé, suivie de l’interpellation plus tard des acteurs de ces scènes obscènes. Images choquantes, scènes répulsifs, qui au-delà de l’émotion doit amener à se questionner sur le rôle de chaque acteur dans cette descente abyssale de l’école togolaise et même de la société togolaise toute entière. Comment en est-on arrivé là ? A qui incombe la faute ? Que faire pour redonner à l’école togolaise son lustre d’antan ? Eclairage !
Deux semaines à peine après la reprise des cours dans les établissements scolaires du Togo à la suite de la pause liée au Coronavirus, le monde de l’éducation togolaise est éclaboussé par une affaire de sextape. Alors que l’interdiction de l’usage du téléphone portable dans les établissements scolaires est effective au Togo depuis janvier 2019, la population a suivi ahurie la diffusion des scènes dignes de star de film XXX tournées dans les enceintes des écoles par des élèves. Cette exhibition portant atteinte à la pudeur est une révélation de l’image cachée de ce qu’est devenue notre société (juvénile). Ces atteintes à la pudeur médiatisées chez les jeunes s’expliquent par le fait que l’humanité qui vit un tournant incontrôlé de sa mondialisation tend vers des sociétés d’exhibition et de vedettisation. Le développement de l’internet avec les réseaux sociaux, l’utilisation du WhatsApp et l’absence d’un contrôle réel de ce que proposent certains médias sont des facteurs favorisant cette situation. Les enfants et les jeunes- beaucoup plus en contact avec des films pornographiques, des clips montés d’artistes de la chanson qui renvoient aux gestes et aux positions de l’acte sexuel- expriment le besoin de se montrer de se mettre en vedette pour attirer l’attention des adultes et des décideurs sur les problèmes qu’ils traversent.
De ce fait, la responsabilité de la société est très engagée dans cette situation. En effet, pour Dr KPOTCHOU Koffi, Maitre assistant de sociologie, « beaucoup de ces jeunes ont raté leur socialisation primaire et secondaire. D’abord, il y en a qui sont des rejetons de ceux qui ont malheureusement acquis le statut de parents tout simplement parce qu’ils ont enceinté ou enfanté. Le statut de parents se mérite », note-t-il.
L’HYPER SEXUALISATION DE LA SOCIETE…
Même s’il est admis qu’on ne saurait imputer l’entière responsabilité de la diffusion de ces vidéos obscènes aux élèves ou à la seule faillite de l’école togolaise et qu’il faut élargir la responsabilité à tous les acteurs notamment les parents, les enseignants, les tenants du système éducatif et de la formation, les gouvernants, les partenaires techniques et financiers, les ONG, bref, à tous ceux qui interviennent directement ou indirectement dans l’éducation scolaire. Toutefois selon KANITOM Koffi, parent d’élève et Coordonnateur national de la Fédération nationale des syndicats de l’enseignement du Togo (FESEN), il est nécessaire de situer la responsabilité de chacun.
L’hyper sexualisation de la société togolaise doublée de la « démission parentale » est un facteur favorisant. L’éducation commence à la maison avant de venir à l’école. Les parents doivent être au premier rang dans l’éducation de leurs enfants. Mais la majorité des parents ont démissionné involontairement. Puisque papa et maman doivent aller travailler pour nourrir la famille et plus personne n’a le temps d’éduquer réellement les enfants.
Internet et la société ont donc pris la relève. Mais il sera trop systématique de dire que les parents ont failli, trouve Paul-Bernard DOTSEVI, ancien président du Forum des organisations de défense des droits de l’enfant au Togo (FODDET). « A côté de ces parents indélicats il y a plusieurs d’autres qui font des pieds et des mains pour que leurs enfants soient exemplaires moralement. Malheureusement l’effet de groupe annihile leurs efforts », souligne-t-il. Il poursuit en ces termes : « beaucoup de parents seront surpris de savoir que leurs enfants sont impliqués dans les histoires de sextape qui défraient la chronique ».
UN REGLEMENT INTERIEUR RIGOUREUX DANS LES ECOLES…
L’Etat à qui la société a confié la responsabilité dans l’éducation des enfants ne saurait se dérober à sa responsabilité dans cette débauche des élèves. Il a failli en interdisant depuis des années les châtiments corporels en milieu scolaire. Ce qui, ouvre la voie à ces déviances, soutient un observateur. Car, le sexe a toujours existé à l’école.
D’autre part, l’Etat doit réintégrer dans l’école, les cours d’éthique et de morale autrefois bannis dans les curricula de formation tout en sollicitant l’aide des psychologues, des techniciens en éducation très peu exploités dans nos écoles.
Face à la gravité de la situation, il est préconisé au gouvernement de prendre la mesure de la situation en prenant des lois qui protègent les enfants, surtout dans les milieux scolaires et dans la formation professionnelle contre ces dérapages. Les règlements intérieurs dans les établissements scolaires doivent être rigoureux sur l’utilisation du téléphone portable dans les établissements scolaires et autres lieux d’apprentissage. Un renforcement des mesures disciplinaires doit être effectif.
FAUT-IL SANCTIONNER ?
A ce stade, le seul mécanisme dont dispose la société est la sanction sociale et morale. Mais, là où nous en sommes, elle sera inefficace et contre-productive. « Car qui va sanctionner? Les parents? Ils sont pires et complices. L’Etat? Il est démissionnaire et a ses intérêts ailleurs. Les enseignants ? L’argent de poche de ces jeunes dépasse leur salaire. L’église? Le Vatican même se cherche encore dans la pédophilie des prêtres. Qui donc » se demande Dr KPOTCHOU qui plaide plutôt à ce que notre société demande pardon à la jeunesse et fasse un procès à son schéma d’instruction et d’éducation.
Quant à DOTSEVI, il pense qu’au lieu de parler de sanction, il faut chercher à comprendre ce qui a pu amener ces élèves à se livrer à de pareils actes. C’est un problème générationnel. Il serait préférable d’attaquer le mal par la racine en sensibilisant les parents à plus de vigilance, en aidant les parents à créer les conditions qui favorisent plus de rapprochement entre eux et leurs enfants.
Il est indéniable que la diffusion de ces images a écorché l’image des établissements concernés mais au-delà toute l’école togolaise. La question se pose de savoir comment faire pour atténuer les conséquences en terme d’image sur les écoles et par conséquent sur l’effectif des apprenants dans les écoles concernées. Quand on sait qui parle d’effectifs des élèves, parle du chiffre d’affaire et de possibles bénéfices que tirent les fondateurs d’établissements scolaires. Selon Raymond HOUNDJO, un spécialiste de la communication de crise que nous avons contacté, il serait illusoire de s’aventurer dans une démarche solitaire en voulant corriger l’image de son établissement. Notre spécialiste recommande plutôt une démarche collective avec l’implication active de l’État. « Toute tentative individuelle venant d’un établissement comme la vidéo de mea-culpa des élèves que nous avons vu sur la toile, est une mauvaise démarche. Elle va plus attirer l’attention sur l’école et les élèves pour rien. Cette manière de faire expose plus l’établissement et les élèves plus qu’autre chose et est susceptible d’aggraver le déficit d’image dont souffre déjà l’établissement en question. Cette démarche n’est pas la bonne », a indiqué notre interlocuteur.
Tout en se réservant de proposer une action de communication, HOUNDJO estime qu’il faut voir cette débauche des jeunes dans un phénomène sociétal qui a ses racines ailleurs que dans l’enceinte des établissements. Et de ce fait, la résolution doit tenir compte des trois entités concernées que sont les familles, les établissements scolaires et le gouvernement.
Somme toute, ces actes qui sont l’expression d’un besoin non encore compris chez ces enfants doivent être pris comme un problème de société qui exige de sérieuses études et recherches-actions afin de proposer des orientations pour juguler de façon plus efficace et durable ce phénomène plutôt que n’importe quelle sanction.
Albert AGBEKO
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