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Interview exclusive : « Tous savaient dès le départ qu’ils allaient immanquablement tromper le peuple togolais »


Acteur clé de la conférence nationale souveraine avec son ami Tavio AMORIN, Claude AMEGANVI, à l’occasion des 28 ans de ces grandes assises nationales nous en dresse le bilan. Il a profité de nos micros pour également porter son regard  sur l’actualité politique nationale, sans oublier de nous dire ce qu’il pense des leaders de l’opposition actuelle notamment Tikpi ATCHADAM, Jean-Pierre FABRE, Mme Brigitte Kafui ADJAMAGBO-JOHNSON… Lire l’interview exclusive

TOGOSCOOP : Il y a 28 ans prenait fin la conférence nationale souveraine togolaise. 28 ans après cette grande assise nationale, quel bilan faites-vous ?

Claude AMEGANVI : Elle fut un moment important dans la vie du peuple togolais qui l’avait chargé de tous les espoirs parce que, expérience inédite d’expression démocratique directe avec la retransmission directe des débats à la radio et à la télévision, elle permettait, pour la première fois, de débattre publiquement des actes, faits et bilan du régime dictatorial d’EYADEMA qui, jusque-là, ne permettait pas qu’on lui fasse la moindre critique. Mais ces espoirs ont été vite ruinés, déçus.

Il ne pouvait en être autrement car cette conférence nationale était en elle-même un piège par lequel a été mise en œuvre une entreprise machiavélique visant à contenir, pour la faire refluer et sombrer, l’héroïque lutte engagée par le peuple togolais depuis le soulèvement populaire du 5 octobre 1990.

Sous ce rapport, elle fut dès le départ et avant même qu’elle ne s’ouvre, une trahison du peuple togolais et un complot contre ses intérêts car le maintien d’EYADEMA au pouvoir avait déjà été acté par les « leaders » de l’opposition. C’est pourquoi, avec mon ami Tavio AMORIN, qui représentait à l’époque le CRRT-Collectif d’Abidjan, et moi l’Organisation des travailleurs du Togo pour la démocratie (OTTD), nous avions clairement dénoncé l’accord qu’ils avaient conclu avec son pouvoir dans un « APPEL A LA VIGILANCE DU PEUPLE TOGOLAIS » que nous avions sorti et largement diffusé dès le 12 juin 1991, jour même de la signature de l’accord qui a concédé cette conférence.

Pour l’édification de la jeune génération que nous prenons à témoin, il est important de rappeler que nous y disions notamment :

« Certains éléments du COLLECTIF DU FRONT DE L’OPPOSITION DEMOCRATIQUE (F.O.D) ET DES ASSOCIATIONS, soi-disant opposants, ont trahi la cause du peuple par la signature d’un accord scélérat avec la dictature d’Eyadéma.

Cet accord suspend la Grève Générale illimitée alors que le but qui lui était assigné, la démission d’Eyadéma n’était pas atteint.

Il prévoit la mise en place d’un gouvernement d’Union Nationale avec le RPT. En outre il garantit à Eyadéma son maintien au pouvoir malgré tous les massacres, les détournements de fonds publics, les violations des Droits de l’Homme, dont il est personnellement responsable depuis 25 ans.

Ces massacres ont continué pendant toute la période de négociation jusqu’à la signature des documents finaux, sans aucune protestation officielle de la part des représentants du Collectif du Front de l’Opposition démocratique et des Associations. C’est dire qu’on offre une immunité à Eyadéma avant même le début de la Conférence. En fait, cette Conférence n’aura qu’une souveraineté limitée.

La trahison à laquelle nous venons d’assister devait déjà avoir lieu lors du meeting du 10 Juin au Stade Municipal de Lomé où la suspension de la Grève a été annoncée. Heureusement, le Peuple Souverain a rectifié et a imposé au cours de ce meeting, la continuation de la GREVE GENERALE ILLIMITEE.

Nous appelons solennellement le peuple à montrer la même détermination jusqu’à atteindre l’objectif pour lequel nous menons ce combat :

LE DEPART D’EYADEMA ET DE SON GOUVERNEMENT. »

Comme vous pouvez le constater, avec Tavio, n’avions-nous pas déjà tout dit à l’époque ? Et pourtant…

Pourtant, étonnamment, la même trahison du peuple togolais s’est inlassablement répétée depuis 28 ans à travers les mêmes négociations, dialogues et accords bidons, conduisant au triste bilan de cette situation catastrophique qui n’a cessé de s’aggraver dans notre pays en conséquence de la ruine du combat engagé par le peuple togolais le 5 octobre 1990, ce dont le raté de cette conférence est une vivante expression.

Pourtant, avec Tavio AMORIN et bien d’autres démocrates, nous nous étions battus comme de beaux diables en mettant notamment en garde la Conférence nationale contre ce qui allait se passer par la suite si elle ne venait pas à respecter la volonté unanime du peuple togolais en prenant la décision d’en finir une fois pour de bon avec le régime RPT. C’est à cet effet que nous avions soumis à cette assise un projet d’Acte portant « Destitution d’Etienne GNASSINGBE EYADEMA de ses fonctions de président de la République togolaise », acte dont nous avions préalablement fait signer les grandes lignes par plusieurs centaines de délégués à la Conférence. Dans ce document, nous avons d’abord relevé le « lot d’informations et de témoignages accablants sur les exactions et crimes perpétrés dans tous les domaines contre le peuple togolais par la dictature d’EYADEMA durant ses 25 ans de pouvoir ». Puis nous l’avons notamment ainsi conclu :

« Considérant que, parce que bafoué dans sa dignité et dans sa souveraineté depuis 25 ans, le Peuple togolais n’a cessé d’exprimer depuis le soulèvement du 5 octobre sa volonté que le régime d’EYADEMA doit partir ;

Considérant que le respect de cette volonté, qui ne doit pas être trahie, est contradictoire avec le maintien de l’actuel chef de l’Etat au pouvoir pendant la période de transition ;

Considérant que son maintien au pouvoir aurait pour conséquence la multiplication de crimes et d’actes de sabotage visant à se venger d’une Conférence Nationale Souveraine qu’il n’a jamais tolérée et dont il a systématiquement bafoué les décisions ;

Considérant que malgré les nombreuses interpellations dont il a été l’objet, Mr GNASSINGBE Etienne EYADEMA, chef de l’Etat togolais, n’a même pas daigné se présenter devant la CNS ;

La Conférence Nationale Souveraine, prenant ses responsabilités, adopte l’Acte dont la teneur suit :

Article 1er : Mr Etienne GNASSINGBE EYADEMA est destitué de ses fonctions de chef de l’Etat togolais ;

Article 2 : Mr Etienne GNASSINGBE EYADEMA est mis à la disposition de la Justice togolaise pour répondre des actes et faits qui lui sont reprochés ; (…) »

La suite, on la connaît : parce que nous n’avons pas été entendus en résultat d’une manœuvre du bureau de la Conférence Nationale influencé par KOFFIGOH, le refus de soumettre démocratiquement au vote des délégués notre projet d’acte de destitution dont l’issue ne faisait aucun doute, a conduit aux terribles conséquences découlant de la volonté des « leaders » de l’opposition qu’EYADEMA soit maintenu coûte que coûte au pouvoir…

Car, n’avons-nous pas vécu cette « multiplication de crimes et d’actes de sabotage » que nous avions alors prédite comme vengeance d’Etienne GNASSINGBE EYADEMA jusqu’à sa poursuite par son fils Faure GNASSINGBE EYADEMA ? Pourtant, les mêmes « leaders opposants » dominant la vie politique togolaise jusqu’aujourd’hui n’ont cessé de s’associer à eux dans des « gouvernements d’union nationale » sous prétexte de « transition » en marchant sur des cadavres de pauvres citoyens innocents lâchement assassinés !

TOGOSCOOP : Que reste-t-il de cette rencontre ?

Claude AMEGANVI : Il en reste qu’à cette occasion, un certain nombre de délégués représentant authentiquement le peuple togolais ont pu faire connaître au monde entier les violations massives des droits de l’Homme, le vol, la corruption, la gabegie et la mauvaise gestion des richesses nationales qui avaient cours au Togo. A cela, il faut ajouter que la conférence a enregistré un certain nombre de conquêtes démocratiques déjà arrachées par le peuple togolais en les consignant dans les nouvelles institutions qu’elle a créées bien que celles-ci allaient être mises à mal peu après. Bien que ces acquis n’ont cessé d’être démantelés de jour en jour par le régime RPT puis UNIR, plus jamais le Togo ne sera comme avant octobre 90.

TOGOSCOOP : Pourquoi selon vous cette conférence n’a pas eu le succès escompté comme cela avait été le cas au Bénin ?

Claude AMEGANVI : Précisons d’abord que si on en juge par la vie politique tourmentée que le Bénin n’a cessé, lui aussi, de connaître depuis lors, même si elle n’a pas été aussi dramatique que la nôtre, il est permis de douter de ce que la Conférence du Bénin ait été un « succès » comme vous le dites. En vérité, il s’agissait de réaliser, entre les acteurs politiques de ce pays, un « consensus » en obtenant des concessions de partage du pouvoir pour que continuent à s’appliquer les plans régressifs que le régime de KEREKOU, gangréné par la corruption et le paiement d’une dette extérieure injuste, n’arrivait plus à mettre en application.

Ensuite, en termes de comparaison, les deux dictatures, bien que voisines, différaient dans leurs formes de domination de par les assassinats massifs, le pillage, la corruption, les formes tentaculaires de tribalisme et l’omnipotence de l’intervention impérialiste française que nous n’avons cessé d’avoir au Togo depuis l’assassinat de Sylvanus OLYMPIO, le tout singularisant des différences entre les situations du Togo et du Bénin.

C’est pourquoi s’il faut parler de « succès » comme vous le dites, la Conférence nationale du Togo, de par la teneur et la qualité de ses débats ainsi que l’ampleur des dénonciations qui y ont été faites, a été une assise ayant été beaucoup plus loin et eu plus de retentissement que celle du Bénin. J’avais d’ailleurs par le passé été maintes fois choqué que des hommes politiques béninois nous aient fait le reproche d’avoir trop dénoncé les crimes et horreurs du régime d’EYADEMA qui étaient pourtant bien réels….

Toutefois, c’est en œuvrant à imposer au peuple togolais la copie servile au Togo du modèle de fausse solution de partage du pouvoir inaugurée au Bénin avec le maintien du dictateur décadent dont le peuple cherche à se débarrasser que les « leaders » de l’opposition togolaise ont ouvert la voie aux conséquences qui ont déconsidéré la Conférence nationale togolaise que certains croient devoir injustement accabler de tous les maux. C’est en empêchant cette assise de devenir de véritables Etats généraux du peuple qui auraient réussi à régler la question du pouvoir politique qu’ils ont entraîné notre pays dans une fatale impasse dont nous mesurons l’aggravation des conséquences depuis maintenant 28 ans.

TOGOSCOOP : 28 ans après le constat est que l’alternance s’éloigne de plus en plus du Togo. Comment remobiliser le peuple et relancer la lutte pour l’alternance au Togo ?

Claude AMEGANVI : Le peuple togolais n’a pas besoin d’être remobilisé, ni sa lutte relancée car il sait très bien, maintenant, ce qu’il a à faire et le fera le moment venu. En effet, après bientôt 30 ans de lutte, ce peuple a su tirer les leçons de l’amère expérience qu’elle a faite de la trahison systématique de ses héroïques luttes par des « leaders opposants » aussi cyniques que corrompus et uniquement obnubilés par la satisfaction de leurs intérêts personnels à travers le partage du pouvoir avec le régime RPT/UNIR du père et du fils dont ils n’ont jamais voulu en vérité le départ.

Avec les lourds sacrifices qu’il n’a cessé de consentir et le lourd tribut qu’il a payé avec plus de 20 000 vies humaines environ perdues, le peuple togolais a maintenant compris qu’il doit compter sur lui-même en ne faisant plus confiance à cette direction politique cynique et corrompue qui fossoie ses luttes. Cela, surtout après les derniers développements survenus depuis août 2017 et les tristes épisodes des élections législatives de décembre 2018 suivis par les catastrophiques élections locales qui viennent de s’achever.

Sur le fond, les lois de la dialectique et de la conservation de l’énergie qui régissent les mouvements universels de l’humanité et fondent le principe de l’action et de la réaction dont les développements sociaux font intégralement partie, transforment immanquablement en leur contraire les mesures de régression sociale et d’aggravation de l’arbitraire que prend de jour en jour le régime de Faure EYADEMA GNASSINGBE. En procédant à leur accumulation moléculaire, ces lois les transmutent en autant d’éléments et facteurs par lesquels ce régime se fait à coup sûr son propre fossoyeur.

C’est pourquoi il ne faudra pas s’étonner que dans la toute prochaine période, sans que qui que ce soit y aura nécessairement poussé le peuple togolais, celui-ci en vienne à exploser un de ces quatre beaux matins comme par l’effet d’un coup de tonnerre dans un ciel serein, lorsque le niveau de saturation et de maturité de toutes ces mesures iniques aura atteint un seuil critique dicté par le ras-le-bol des populations.

Quand on en arrivera là, personne ne pourra préjuger du sort des assassins, des pilleurs, des corrompus et des traîtres…

TOGOSCOOP : Ces deux dernières années, à l’initiative du PNP, le parti de Tikpi ATCHADAM, on a vu une mobilisation du peuple togolais à l’interne mais aussi dans la diaspora contre le régime en place. Rarement on vous a aperçu au cours de ces manifestations. Quelles sont les raisons de ce retrait de Claude AMEGANVI ?

Claude AMEGANVI : Ce que vous dites est tout à fait inexact car le Parti des travailleurs a vigoureusement dénoncé la répression sanglante des manifestations appelées par le PNP le 19 août 2017 et a toujours appelé le peuple togolais à participer massivement aux manifestations appelées à son initiative avec la coalition des 14 partis de l’opposition démocratique qui s’est constituée par la suite avec lui. Personnellement, j’étais présent, aux côtés de tous les responsables politiques, dans les cortèges de toutes les manifestations qui ont été appelées jusqu’à celle du mois de novembre 2017 où cette Coalition des 14 a commencé à expliquer ouvertement que les marches pacifiques qu’elle organisait avaient désormais pour objectif d’obtenir un « bon dialogue » avec Faure Essozimna EYADEMA-GNASSINGBE sous l’égide de facilitateurs, chefs d’Etat étrangers. Etant profondément en désaccord avec ces dialogues auxquels nous n’avons jamais participé et ne participeront jamais en tant que parti, nous avons arrêté d’appeler à participer et de participer aux marches pacifiques organisées sur une telle orientation que nous dénonçons clairement depuis lors. N’ayant jamais fait dans la confusion des genres, nous sommes bien placés pour voir à quelle issue catastrophique cette funeste orientation a fini par conduire ce mouvement pourtant plein de promesses. Constatons, pour le déplorer et le condamner, que cette nouvelle aggravation de l’impasse de notre crise sociopolitique a été exploitée par la dictature togolaise pour renforcer la répression, la violation des droits de l’homme et l’arbitraire dans notre pays alors que tous les Togolais la vivent amèrement avec notamment son lot de nouvelles pertes en vies humaines.

TOGOSCOOP : La gestion née de cette crise a été confiée à la CEDEAO qui a finalement édicté une feuille de route aux protagonistes avec à la clé l’organisation des élections législatives de décembre dernier. Comment avez-vous apprécié le règlement de la crise togolaise par cette institution régionale ?

Claude AMEGANVI : Précisons d’abord que, pour nous, la CEDEAO n’a été que le bras armé de la défense des intérêts impérialistes incarné par le fameux « Groupe des 5 » avec l’impérialisme français pour le chef de file si on se rappelle de tous les voyages faits par Emmanuel MACRON en Côte d’Ivoire, au Ghana, au Nigeria et dans d’autres pays d’Afrique. Au plus fort de la crise consécutive à la répression sanglante de la marche pacifique du 19 août 2017, on a compris qu’il s’y est rendu pour dicter à ses vassaux africains, qu’il a également reçus à Paris, comment bien défendre les intérêts de l’impérialisme, principalement français, au Togo, avec les inévitables contreparties comme ce fut le cas pour BUHARI du Nigeria qui a vraisemblablement été maintenu en place avec son soutien.

A cela s’ajoute le fait que peu après l’ouverture de cette crise, les trois principales figures de la C14, puis un dirigeant du PNP, ont été reçus en France, à l’Elysée et au Ministère français des Affaires étrangères, dans une honteuse tradition coloniale où nos « leaders opposants » acceptent d’aller se faire dicter des décisions concernant l’avenir de nos peuples dans les cabinets du pouvoir français.

Au mépris de la souveraineté de notre pays et de son peuple, les partis membres de la C14 ont ainsi fait le choix de se mettre sous la tutelle d’un dialogue, le 28e du genre, orchestré par les grandes puissances étrangères via le syndicat des chefs d’Etat africains de la CEDEAO, dictateurs corrompus et corrupteurs notoires, et de leur prétendue « feuille de route » dont l’expérience vivante a montré qu’elle ne visait qu’à les piéger.

Il n’est donc pas étonnant qu’ils se soient ainsi fait rouler dans la farine au compte des intérêts des grandes puissances défendus par la CEDEAO à laquelle ils ont naïvement fait confiance après s’être laissés corrompre comme on l’a vu avec le traitement final qu’a fait cette institution de ce dossier togolais !

Au nom de tous les martyrs impunément massacrés par le régime assassin de Faure EYADEMA-GNASSINGBE depuis le 19 août 2017, ils portent une grave responsabilité qu’ils devront, seuls, assumer devant l’histoire quand elle jugera…

Pour notre part, au Parti des travailleurs, nous n’avons cessé de dénoncer dans tout ce qui a été fait dans ce cadre, d’une part, une entreprise rétrograde de remise sous tutelle du Togo comme ce fut jadis le cas à l’époque coloniale où il fut soumis au régime du mandat puis de la tutelle, d’autre part, une tentative de liquidation de la volonté du peuple togolais d’en finir avec la dynastie cinquantenaire moribonde EYADEMA-GNASSINGBE.

TOGOSCOOP : Quels sont vos rapports avec vos autres collègues de la scène politique de l’opposition notamment avec :

– Jean-Pierre FABRE

– Yawovi AGBOYIBO

– Mme Brigitte ADJAMAGBO

– Tikpi ATCHADAM

Depuis novembre 2017, aucun.

Précisons qu’au moment où se constituait la C14, nous n’avons pas été consultés et nos tentatives de discuter avec le PNP avec lequel nous avions constitué par le passé le Front Tchoboé sont restées sans suite… Ceci nous a fait comprendre, rétrospectivement, que tous savaient dès le départ qu’ils allaient immanquablement tromper le peuple togolais en s’engageant dans la voie d’un énième dialogue avec le régime RPT-UNIR qu’ils disaient pourtant condamner et auquel ils n’ignoraient pas que nous serions fermement opposés.

C’est pourquoi, tirant les leçons de près d’une trentaine d’années de liquidation systématique, par cette « opposition démocratique » institutionnelle, des luttes que le peuple togolais a engagées depuis le soulèvement populaire du 5 octobre 1990, nous avons désormais résolu de l’aider à en finir avec la sanglante dynastie cinquantenaire EYADEMA-GNASSINGBE uniquement sur la base de nos propres programme et principes.

TOGOSCOOP :  A moins de 10 mois de l’élection présidentielle, l’opposition togolaise sort laminée des élections locales. Y-a-t-il une chance pour cette opposition de venir à bout du pouvoir en place par les urnes en 2020 ?

Nous partageons, avec le peuple togolais, cette forte conviction qu’il n’y a aucune « chance » comme vous le dites d’en finir avec cette sanglante dynastie cinquantenaire EYADEMA-GNASSINGBE par la voie des urnes.

En effet, toutes les échéances électorales organisées depuis la Conférence nationale de juillet-août 1991 n’ont été que de lamentables mascarades électorales, souvent sanglantes d’ailleurs. Et cette évolution, remarquable au Togo, participe d’une tendance générale observable dans toute l’Afrique où il est à se demander finalement à quoi sert-il encore d’organiser des élections tant les fraudes pour maintenir en place des dictatures corrompues et au bout du rouleau sont souvent massives et grossières surtout dans les anciennes colonies françaises.

C’est pourquoi la présidentielle de 2020, si par extraordinaire elle arrivait à avoir lieu, ne serait qu’une nouvelle mascarade électorale de plus, car destinée à maintenir en place Faure Essozimna EYADEMA-GNASSINGBE au profit des intérêts impérialistes principalement français qu’il défend sans faille, ce que le peuple togolais qui en est victime n’acceptera pas, et nous avec bien entendu.

TOGOSCOOP :  Les récentes modifications de la constitution ouvrent un nouveau boulevard devant l’actuel président de la République Faure GNASSINGBE qui est presque à terme de son troisième mandat. Quel bilan dressez-vous des trois mandats de Faure GNASSINGBE à la tête du Togo ? Ce bilan plaide-t-il pour un quatrième mandat en sa faveur ?

Claude AMEGANVI : C’est un terrible bilan de catastrophe sur tous les plans depuis les 15 ans qu’il aura été au pouvoir.

Un bilan de perpétuation de 57 ans d’impasse depuis l’assassinat de Sylvanus OLYMPIO se singularisant par des assassinats en masse, le règne du pillage, de la gabegie, de la corruption par l’oligarchie au pouvoir, la pérennisation des souffrances pour le peuple togolais et le maintien de la domination étrangère sur notre pays, principalement celle de l’impérialisme français.

Rappelez-vous des conditions dans lesquelles Faure EYADEMA-GNASSINGBE a pris le pouvoir en 2005 : au moyen d’un grave génocide du peuple togolais qui a occasionné de 400 à 500 morts selon le Rapport de la Mission de vérification des faits de l’ONU et plus de 1 000 selon celui de la Ligue togolaise des droits de l’Homme (LTDH). Les assassinats ont-ils cessé depuis lors ? Nullement, ils se sont poursuivis en toute impunité. C’est le premier aspect du bilan.

Sur le plan économique, notre pays a été saigné pendant ces 15 ans par une oligarchie prédatrice à un point tel qu’alors qu’on ne comptait de toute évidence qu’un seul ou une poignée de milliardaires au Togo à la disparition d’Etienne EYADEMA-GNASSINGBE, dont lui-même, de l’aveu fait par son fils Kpatcha lors de son procès, on en compte aujourd’hui plus d’une centaine. Selon le très officiel Rapport Doing business de la Banque mondiale qui indique que tous se sont illégalement enrichis par le pillage des fonds publics !

Par ailleurs, nous savons, selon un Rapport antérieur de GFI, que le Togo bat tous les records en matière de trafic illicite des capitaux dans le monde entier, surtout depuis l’avènement de Faure EYADEMA-GNASSINGBE au pouvoir !

Des pans entiers de nos richesses minières et de notre appareil de production sont bradés aux intérêts des requins de la haute finance internationale, rendant les Togolais étrangers dans leur propre pays alors que s’enrichit une minorité pilleuse.

Par contre, c’est la ruine pour les pauvres citoyens togolais qui tirent le diable par la queue et se voient matraquer, au jour le jour, de taxes socialement injustes les unes que les autres.

Tout cela milite en faveur d’un départ immédiat et sans condition du pouvoir de Faure EYADEMA-GNASSINGBE et le plus tôt serait le mieux car il ne faut pas attendre nécessairement une hypothétique élection présidentielle en 2020 pour le faire partir.

TOGOSCOOP : La Conférence nationale a révélé toi et ton ami Tavio Amorin au peuple togolais. Que devient aujourd’hui Claude AMEGANVI, nos lecteurs veulent le savoir ?

Claude AMEGANVI : Je suis là et bien là, poursuivant le combat qu’ensemble nous avons commencé avec mon camarade et ami Tavio Ayawo Tobias AMORIN.

Et mon espoir est d’arriver à aider le peuple togolais, par sa propre mobilisation, à terminer victorieusement le combat qu’il a commencé depuis le soulèvement populaire du 5 octobre 1990. Ce sera, pour moi, la meilleure façon de rendre service au peuple togolais et de rendre hommage à la mémoire de Tavio et de tous les martyrs qui, depuis Sylvanus OLYMPIO, ont versé leur sang sur la terre de nos aïeux, en toute impunité jusqu’à ce jour.

TOGOSCOOP : Mot de fin…

Claude AMEGANVI : Je ne saurais terminer sans exprimer ma forte conviction qu’à la lumière des développements survenant en France avec le mouvement des gilets jaunes, en Algérie et au Soudan avec les soulèvements populaires qui ont fait effondrer les régimes en place, le peuple togolais à son tour ouvrira une nouvelle page de l’histoire des peuples d’Afrique et du monde. En réussissant très bientôt, à leur suite, à tourner les pages sombres de la sanglante dynastie dictatoriale EYADEMA-GNASSINGBE qui l’opprime depuis bientôt 53 ans.

Car il sait désormais que c’est à lui-même et à lui seul qu’il doit faire confiance et je suis convaincu qu’à ce moment-là, il saura distinguer et choisir les acteurs politiques qui l’aideront à vaincre.

Je vous remercie.

Propos recueillis par Francine DZIDULA

E-Mail : togoscoop@gmail.com

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