Togo : leur crime militer dans l’opposition
Depuis la dernière gigantesque manifestation du mois d’août 2017 du peuple togolais assoiffé d’alternance pour venir à bout du dernier régime autocratique encore en vie en Afrique occidentale, la situation socio-politique au Togo ne cesse de dégrader.

Les violations des droits de l’Homme et le harcèlement des militants de l’opposition soupçonnés d’avoir participé aux manifestations de l’opposition sont monnaies courantes.

Alors que le pouvoir soigne son image à l’extérieur, il continue à l’interne de traquer, brimer et emprisonner les jeunes militants de l’opposition.
Ces violations ont contraint bon nombre d’entre eux à l’exil ou à vivre dans la clandestinité. Ils sont nombreux ces jeunes à l’instar de ASSOGA Nourodine, AKAKPO Kofi Rodrigue, KOUASSI Komlan, ABOTSI Nibiemade Kokou, KPEGOUNI Latifou ou encore ALFA-BIAO Abdoul-Mouhizou, Elesse Komi Mawuena, ADAMOU Kamaloudine. … dont les familles sont sans nouvelles d’eux pour la plupart depuis plusieurs mois.
Parmi ces cas, un retient plus l’attention. Il s’agit du jeune militant du Parti nationaliste panafricain (PNP), ADAMOU Kamaloudine. Ce jeune paie pour son engagement au sein de la formation du cheval et pour son désir d’alternance et de changement. Ce qui aujourd’hui l’a conduit à quitter famille et pays pour sauver sa peau.
En août 2017, le vent du changement souffle sur le Togo. C’est le printemps togolais. Beaucoup de jeunes se mirent à rêver. Ils espèrent déraciner la plus vieille dictature qui subsiste encore en Afrique de l’ouest. Par milliers, ces jeunes rejoignent les rangs du Parti nationaliste panafricain (PNP), le parti politique qui incarne cet l’espoir.
ADAMOU Kamaloudine fait partie de ces jeunes qui nourrissent l’espoir d’un changement et d’un espoir pour son pays. Il rejoint les rangs du PNP de Salifou Tikpi Atchadam en prenant part à plusieurs manifestations politiques qui se déroulaient dans plusieurs localités du pays. Au cours d’une de ses manifestations, le 13 avril 2019, le domicile du président de son parti, sis dans le quartier Agoè-Nyivé, a été vandalisé par des militaires. Le lendemain, alors qu’il rentrait du boulot, aux environs de 22h, les formalités de routine devant une barrière des hommes en treillis se transformèrent pour lui en cauchemar. Interpellé, ADAMOU sera conduit au camp de gendarmerie où il subira toutes formes de brimades et tortures. « Nos bourreaux n’hésitaient pas à nous arroser d’eau quelques fois. Ceux qui sentaient l’envie de se mettre à l’aise dans les toilettes étaient refoulés si trois autres personnes ne se manifestaient pas. Tout était mis en œuvre pour empêcher même ceux qui étaient resignés face à leur sort de fermer l’œil, rien que pour quelques secondes », avait-il témoigné à l’époque.
Trois jours après recouvré sa liberté, ADAMOU ne sera pas au bout de ses peines. Le 18 avril 2019 aux environs de 20h alors qu’il était encore dans sa boutique, il reçoit un coup de téléphone de sa femme en pleure qui l’intima l’ordre de ne plus rentrer à la maison. La raison évoquée est que des militaires ont fait irruption dans le quartier Agoè-Nyivé à bord de pickup blindés passant à tabac et en procédant à des arrestations des jeunes soupçonnés d’être des militants du PNP.
UNE CAVALE SANS FIN
Alerté, M. ADAMOU a dû prendre la poudre d’escampette en franchissant cette nuit-là la frontière Togo-Ghana pour rejoindre Accra, la capitale ghanéenne où il séjourna durant deux ans en faisant de petits travaux pour survivre. Prétextant un accalmi sur le plan politique et ressentant le besoin de voir sa famille surtout ses enfants, il regagne le bercail. Mais son retour ressuscitera les dossiers politiques sous-jacents puisque 48h après son retour alors qu’il s’était rendu à Assahoun son village natal situé à une cinquantaine km à l’ouest de Lomé, dans la nuit, autour de 22h, il reçoit un appel de sa femme qui l’informe que les gendarmes sont venus perquisitionner la maison. Avant de prendre congé de la maison sans avoir trouvé ce qu’ils cherchaient, ces derniers lançaient à la femme : « madame, votre mari a été cité sur la liste des membres actifs du bureau du PNP ici à Lomé, il sera recherché et retrouvé pour répondre de ses actes suites aux évènements survenus lors des manifestations, comme les autres actuellement en détention et ce n’est qu’une question de temps ».
Des propos qui ont ravivé les craintes du militant du PNP qui a continué sa cavale en direction de Kpalimé en ralliant Atakpamé puis Sokodé au centre du pays.
C’est dans cette ville dans sa quête de sauver sa peau que le militant PNP fut mis au parfum de la possibilité d’obtenir un visa touristique pour se rendre au Brésil. Il sauta sur l’occasion. Après un an de tractations, il obtient le sésame et s’envole le 6 octobre 2021 pour le pays de la Samba. Du Brésil, la cavale de ADAMOU la conduira vers le Mexique passant par le Nicaragua. Emerveillé par l’esprit de liberté du pays de l’Uncle Sam, ADAMOU décide de rejoindre ce pays pour se mettre sous sa protection.
D’autres jeunes qui avaient pris part à ces manifestations, blessés aujourd’hui dans leur chair ou dans leur amour-propre, car traumatisés par les menaces et les intimidations dont ils sont l’objet au quotidien ou jetés en prison, trainent avec les séquelles dans l’indifférence des leaders. Selon les organisations de défense des droits de l’Homme, depuis ces manifestations, 9 prisonniers politiques pour la plupart membres du PNP ont péri dans les prisons togolaises.
Tous ces jeunes militants de l’opposition ne paient que le tribut de leur quête pour plus de liberté, de justice et d’alternance au sommet de l’Etat.
Francine DZIDULA