Togo : Quand la musique togolaise ne fait plus danser Victoire Dogbé

Chaque 21 juin, le monde célèbre la Fête de la musique, un événement qui devrait aussi être un moment de réflexion sur l’état de la culture dans chaque pays. Au Togo, pendant qu’elle était aux affaires, Mme Victoire Tomégah-Dogbé, dernière cheffe du gouvernement togolais sous la IVᵉ République, avait pris l’habitude de partager à chaque Fête de la musique sa playlist personnelle : une sélection de 10 ou 20 chansons togolaises qu’elle écoutait régulièrement. Une initiative perçue comme un clin d’œil sympathique à la musique locale. Mais cette année, silence radio.

Pour cette première édition de la Fête de la musique depuis sa démission, nous avons consulté ses canaux officiels, curieux de découvrir quelle serait sa nouvelle sélection. Mais rien : pas liste de chansons, encore moins de message à l’endroit des artistes togolais. Mme Dogbé ne s’est pas exprimée, ni partagé quoi que ce soit à l’attention de ses followers ou des passionnés de musique togolaise. Ce silence est révélateur d’un malaise plus profond : la musique togolaise, comme bien d’autres secteurs culturels, ne semble susciter l’attention des décideurs que tant qu’ils sont « aux affaires », tant qu’ils ont un intérêt particulier à tirer.

Faut-il en conclure qu’on ne célèbre la musique que lorsqu’on est aux affaires ? Que la culture ne mérite d’être promue que tant qu’on occupe une fonction officielle ? Cette attitude illustre un travers plus large : ces responsables politiques, ces ministres qui, chaque semaine, publient des citations de motivation sur leurs réseaux sociaux, cesseraient subitement toute interaction une fois sortis du gouvernement. Preuve que leur engagement, souvent, n’était qu’apparat.
Toutefois, si publier une playlist peut avoir un impact symbolique, cela ne remplace pas une vraie politique culturelle. À quoi bon montrer qu’on écoute des artistes togolais si, dans le même temps, on ne fait rien pour améliorer leurs conditions de création, de production et de diffusion ? Une culture ne vit pas de hashtags ou de stories X ou Facebook, mais d’infrastructures, de financement, de visibilité. Ce sont ces actions-là que les générations futures retiendront.
On aurait aimé que cette année Mme Dogbé profite de l’occasion pour partager, non pas ses chansons préférées, mais les 10 ou 20 actions fortes qu’elle a portées en faveur de la musique togolaise ou de la culture en général quand elle était aux affaires. Malheureusement, sur ce point comme sur bien d’autres, le bilan du régime reste très décevant.
En 20 ans, aucune salle de spectacle digne de ce nom n’a vu le jour. Il n’existe toujours pas de palais de la culture. Seul le Palais des congrès de Lomé et quelques rares espaces privés servent de refuge à la création artistique. Résultat : lorsque ce palais est fermé, la capitale ne peut plus accueillir de concerts d’envergure, à moins de se rabattre sur le stade, tributaire des caprices de la météo.
Au lieu de se constituer en force de proposition pour réclamer des droits culturels, des réformes institutionnelles, un cadre fiscal allégé ou un statut juridique clair, une frange importante des artistes togolais se laisse instrumentaliser politiquement. On les voit se déchirer pour des miettes : les petits cachets qu’on leur offre à l’occasion des campagnes électorales ou lors d’événements destinés à endormir la vigilance populaire.
Il est temps de dépasser la logique du divertissement commandé. La musique togolaise mérite mieux que d’être un outil de communication politique ponctuelle. Elle mérite des politiques culturelles fortes, des infrastructures adaptées, un environnement propice à la création.
Car ce qui restera, au final, ce ne sont pas des playlists éphémères, mais les traces tangibles laissées dans l’histoire culturelle du pays.
Albert AGBEKO
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