Tribune libre de Ouro-Akpo Tchagnaou :L’opposition togolaise a-t-elle tiré les leçons de ses erreurs ?

Selon Lao Tseu, l’un des plus célèbres philosophes chinois de tous les temps, « en toute chose, il faut trouver la voie (le chemin) ». Pour lui, en matière de leadership, il ne faut pas forcer les choses, car la force du leader réside dans sa sagesse à vivre en équilibre avec l’univers, dans la simplicité, la modestie et l’humilité, qui déterminent sa capacité d’intuition et de lâcher-prise.

Dans une de nos tribunes intitulée « Quelle stratégie pour l’opposition togolaise à la reconquête de l’Annapurna ? », nous avions mis en lumière toutes les erreurs stratégiques commises par l’opposition, qui ont retardé sa conquête du sommet de l’État. Ainsi, le boycott des élections législatives du 20 décembre 2018, le fiasco de la présidentielle du 22 février 2020, et la Bérézina du 29 avril 2024 en sont des exemples concrets.

Aujourd’hui, avec le regain de mobilisation populaire, une question cruciale se pose : l’opposition togolaise a-t-elle tiré les leçons de ses erreurs ?
Il est essentiel que chacun comprenne que cette mobilisation n’a pas pour objectif de hisser un parti politique ou un leader au sommet, mais plutôt de mettre fin à la situation politique ubuesque qui prévaut au Togo depuis trop longtemps.
Les erreurs récurrentes de l’opposition
Il n’est un secret pour personne que la principale faiblesse de l’opposition togolaise réside dans sa manière d’appréhender les processus électoraux. Toute élection, quelle qu’elle soit, est perçue par certains comme un stratagème du pouvoir pour diviser l’opposition et mieux régner. Malheureusement, les faits leur donnent souvent raison : depuis l’annonce des élections communales, la division a de nouveau gagné les rangs de l’opposition, qui répète les erreurs du passé.
Le grand meeting du dimanche 23 mars 2025 a mis en évidence cette réalité, confirmant l’adage Tem : « On ne guérit pas le caractère, car le naturel revient toujours au galop ». Les anciens démons sont réapparus, et aujourd’hui, plusieurs regroupements se forment sans parvenir à une action concertée. Cette désunion chronique est un handicap majeur pour l’opposition, et rien ne laisse présager un changement de cap.
Comment expliquer que, lors d’une manifestation citoyenne, certains privilégient les couleurs et slogans partisans plutôt que le drapeau national ? Chaque fois que le sectarisme l’emporte sur le patriotisme, c’est l’échec assuré. De plus, transformer une mobilisation conjointe avec la société civile en une manifestation partisane met en difficulté cette dernière, exposée à des accusations de partialité, comme ce fut le cas avec le Collectif Sauvons le Togo (CST).
Un état d’esprit à changer
L’opposition togolaise doit se remettre en question et tirer les enseignements de ses échecs passés. Certains leaders politiques semblent enfermés dans trois erreurs fondamentales :
« Je suis le meilleur »
« Je peux le faire seul »
« Dieu est avec moi »
Or, l’ego empêche toute construction collective. La majorité des citoyens adhèrent à un mouvement politique sur la base d’une vision et attendent des résultats concrets. Lorsque ceux-ci tardent à venir, la déception s’installe et la mobilisation s’effrite.
En République, toutes les institutions sont manipulées à volonté par le pouvoir en place. Ce dernier ridiculise régulièrement l’opposition en se servant de ses divisions. Lors du sommet de la CEDEAO du 31 juillet 2018 à Lomé, un chef d’État déclarait : « Allez dire à l’opposition togolaise qu’elle a assez fait mal au peuple togolais« . Depuis, toutes les tentatives pour ramener cette instance à s’impliquer dans la crise togolaise sont restées vaines.
Une stratégie commune pour l’avenir
Face à une dictature solidement installée, qui concentre tous les pouvoirs et n’hésite pas à réprimer toute dissidence, il n’y a qu’une solution : l’union. L’opposition doit réunir toutes ses forces dans un front commun, afin de neutraliser la stratégie de division du pouvoir en place. La ruse et l’anticipation doivent remplacer les lamentations et les slogans creux.
La question électorale ne doit plus être un sujet de discorde entre « participationnistes » et « non-participationnistes« . Ces deux approches, en apparence contradictoires, peuvent se compléter dans le cadre d’une « révolution électorale » : une mobilisation massive et une participation active pour dénoncer et contrer l’opacité électorale institutionnalisée.
Il faut bannir les attitudes incohérentes et arrogantes qui affaiblissent l’opposition. Devant les enjeux tels que la répression, la réforme institutionnelle forcée et la misère sociale, il est impératif d’agir de concert. Le meeting du 23 mars 2025 est une avancée, mais il doit être suivi d’une dynamique inclusive, impliquant tous les acteurs, y compris la diaspora et les mouvements contestataires.
Ainsi, il est temps d’œuvrer pour un ralliement général afin de restaurer la République et offrir un avenir meilleur au peuple togolais.
Cordialement,
Ouro-Akpo Tchagnaou
Président du Mouvement Lumière pour le Développement dans la Paix (LDP)