Affrontements sanglants et destruction de biens à Bassar et Dankpen: Deux ans après, ni victimes ni coupables

Deux ans que des affrontements intercommunautaires ont fait d’énormes dégâts dans les préfectures de Bassar et de Dankpen, les autorités togolaises peinent à trouver une solution. De son côté, la justice semble inerte. Ni coupables, ni victimes.
En décembre 2019 et ce, pendant plusieurs jours, un conflit interethnique a opposé à Bassar et à Dankpen, les populations autochtones aux allogènes Adja. L’embrasement est venu de la disparition d’un nouveau-né, supposé avoir été utilisé pour des rituels par des membres de la communauté Adja. Les sanglants affrontements avaient occasionné des dégâts matériels évalués à plusieurs centaines de millions, ainsi que le déplacement de la quasi-totalité des Adja. Ces derniers ont fui les représailles, laissant derrière eux leurs boutiques qui ont été pillées et saccagées. Dans leurs interventions, les forces de l’ordre ont procédé à des arrestations au sein de la communauté autochtone. Les prévenus sont considérés comme les instigateurs des violences à l’égard des Adja.
Deux ans après ce drame, la justice togolaise, saisie du dossier, n’a pas évolué d’un iota. C’est ce que déplorent des membres de la communauté Adja qui ont perdu leurs biens dans ces affrontements. Le 23 mai dernier, le collectif des victimes a adressé une lettre ouverte au ministre de l’Administration territoriale, de la Décentralisation et du Développement des territoires, Payadowa Boukpessi, pour lui rappeler les pertes subies lors de ces violences aussi bien douloureuses pour les Adja que les autochtones. « En effet, courant le mois de décembre 2019, ont eu lieu dans les préfectures de Bassar et Dankpen, des actes de destruction massive des fonds de commerce et autres biens appartenant à certains membres de la communauté Adja résidant à Bassar, Dankpen et autres localités. Ces actes de vandalisme, de destruction massive ont porté un coup dur aux activités économiques de toutes les victimes, laissant ainsi des conséquences collatérales énormes à supporter », déplorent-ils.
Mais ce qui les inquiète le plus actuellement, c’est la manière dont le dossier est géré, en dépit des diverses démarches effectuées. «Dans le but de trouver des solutions pérennes à cette situation, le collectif des victimes de cette affaire a obtenu une rencontre avec vous au cours de laquelle nous vous avions fait part de nos attentes. Monsieur le Ministre, bien que cette affaire soit pendante devant les tribunaux, le collectif des victimes s’étonne de la lenteur du dossier en ce qui concerne le volet d’assistance que le pays devrait apporter aux victimes de ce genre d’évènement malheureux », s’indignent les victimes qui expliquent : « En vous adressant cette lettre ouverte, les victimes voudraient seulement vous faire part de l’oubli apparent et manifeste de cette affaire qui en réalité, devrait préoccuper plus d’un alors qu’elle continue de causer de sérieux dommages aux victimes…Nous n’avons pas encore perdu de vue nos attentes dont nous vous avions fait part ».
L’inquiétude de ces victimes, c’est aussi l’abandon manifeste de leurs doléances, tant au niveau ministériel que devant la justice, puisqu’à cette date, rien n’a été fait, et les victimes se disent « fortement inquiets du silence que nous observons actuellement à tous les niveaux de décisions concernant cette affaire ». Allusion également faite aux engagements pris par certains cadres Adja bien connus du sérail du pouvoir, mais qui n’ont jamais été traduits dans les faits. Et dans le courrier dont ampliation a été faite au Premier ministre, au ministre de l’action sociale, celui en charge des droits de l’homme et au Médiateur de la République, les victimes sollicitent, en attendant la décision de la justice, la prise de mesures intermédiaires qui « contribueraient à redonner un peu d’espoir aux victimes que nous sommes ainsi qu’aux présumés auteurs des actes de vandalisme ».
Comme nous le soulignions, « aux premières heures de ces évènements malheureux, plusieurs auteurs présumés ont été arrêtés et écroués à la prison jusqu’à cette date ». En réalité, le statu quo actuel n’arrange aucun des partis en conflit. Autant la communauté Adja souhaite un soutien en compensation de ses pertes, autant les autochtones ne cessent de dénoncer l’arrestation de leurs enfants qui croupissent toujours en prison sans aucun procès. « Les jeunes sont là-bas depuis plus de deux ans et personne ne s’inquiète de leur sort. Les familles de l’enfant disparu sont aussi dans l’attente. Ils veulent connaître le sort de leur nourrisson. Ils se posent toujours des questions auxquelles ils ne trouvent pas réponses », explique une source locale.
En toute franchise, le fait pour le gouvernement de faire le muet, et la justice, de ne pas se prononcer rapidement ne fait que compliquer la situation et renforcer l’antagonisme entre les deux communautés. D’un côté on se dit victimes de destruction de ses biens, et c’est à raison, et de l’autre, on pleure la disparition d’un nouveau-né et la détention de proches. Des décisions courageuses doivent être prises pour éviter un nouvel embrasement.
Source: Liberté
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