Gilchrist Olympio, l’ancien opposant charismatique du Togo, est-il devenu obsolète au point que le pouvoir de Lomé cherche à le remplacer par un autre Olympio ? La question ne fait aucun doute.

Eyadema et l’hostilité envers la famille Olympio
Gnassingbé Eyadéma, ancien président du Togo, a revendiqué la paternité de l’assassinat de Sylvanus Olympio, premier président de la République togolaise. Tout au long de son règne, il a nourri une aversion profonde pour la famille Olympio. Durant les 38 années passées au pouvoir, il n’a jamais rencontré Gilchrist Olympio, fils du père de l’indépendance et figure politique incontournable, qu’il accusait de vouloir déstabiliser son régime.

Cependant, face à la popularité grandissante de Gilchrist, Eyadéma a changé de stratégie vers la fin de son règne. Il a commencé à instrumentaliser certains membres de la famille Olympio contre lui, les nommant à des postes au sein des institutions de la République pour semer la confusion dans l’opinion publique et donner l’illusion d’un rapprochement avec la lignée Olympio.
Harry Octavianus Olympio : un pion du régime ?
Parmi ces figures, la plus emblématique reste sans doute Harry Octavianus Olympio. Fils d’un Olympio togolais (un cousin lointain de Gilchrist) et d’une mère gabonaise, Harry vivait discrètement à Libreville, inconnu du grand public togolais, avant que le pouvoir ne le ramène à Lomé pour fonder un parti politique, le Rassemblement pour le soutien à la démocratie et au développement (RSDD).
Une opposition fabrique pour servir le pouvoir
À l’issue des législatives du 27 octobre 2002, il est élu député sous la bannière du RSDD et plaide ouvertement pour un amendement de la Constitution togolaise afin de permettre à Eyadéma de briguer un nouveau mandat. Il cible notamment l’article 59 de la Constitution de la IVᵉ République, qui limitait le nombre de mandats présidentiels.
Alors que l’opposition était interdite d’accès aux médias publics, Harry Octavianus Olympio bénéficiait d’une large couverture sur la Télévision Togolaise (TVT), où il relayait « la voix de son maître« . En 1999, il est nommé ministre des Droits de l’Homme et de la Promotion de la Démocratie dans le gouvernement de Kwasi Klutsè, un poste purement symbolique à un moment où le RPT, l’ancien parti, cherchait à redorer son image.
Plus tard, évincé du gouvernement après avoir servi de vitrine, Harry Olympio orchestre lui-même une tentative d’attentat contre sa personne, espérant ainsi se forger une stature d’opposant. Son plan échoue : il est arrêté pour escroquerie et simulation d’enlèvement avant de bénéficier d’une « grâce présidentielle », un classique du régime pour garder ses pions sous contrôle. Malgré cette mascarade, il conserve son siège de député, son parti, le principal de l’opposition parlementaire de l’époque, disposant de trois sièges à l’Assemblée nationale depuis 2002.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ces « drôles d’opposants » ont pavé la voie à Eyadéma pour modifier la Constitution et briguer un troisième mandat en 2002… avant que la mort ne vienne interrompre brutalement son règne.
Faure et le ralliement de Gilchrist Olympio
L’instrumentalisation des Olympio à des fins politiques a semblé s’estomper avec l’arrivée au pouvoir de Faure Gnassingbé, qui a réussi à obtenir le ralliement du plus grand trophée de tous : Gilchrist Olympio. L’accord dit « des braves« , signé entre l’UFC, parti fondé par le fils du père de l’indépendance, et le RPT, a marqué un tournant décisif.
Robert Olympio : un nouveau stratagème politique ?
Alors qu’on croyait ces méthodes révolues, leur résurgence récente est flagrante. Le pouvoir continue de débaucher des figures de l’opposition et de les intégrer au gouvernement. L’élection de Robert Olympio au Sénat en est la preuve ultime. Ce dernier, récemment éjecté de son parti, n’avait ni les moyens ni l’aura nécessaires pour réaliser le raz-de-marée qu’il a opéré dans la circonscription du Golfe sans un coup de pouce venu d’en haut.
Tout comme en 2002, où Harry Olympio avait été érigé en principale force de l’opposition après le boycott des législatives par les vrais opposants, le même schéma se reproduit aujourd’hui avec Robert Olympio même si ce dernier n’a pas cette carrure. Il a été choisi parce qu’il est le pion faible pour servir les desseins du pouvoir.
La famille Olympio : entre héritage et compromission
Mais il est regrettable que la famille Olympio se prête à ce jeu. Une famille emblématique, au même titre que les Kennedy, Lumumba ou Sankara, se laisse manipuler, reniant ainsi ses convictions et valeurs jetant aux oubliettes l’honneur et la respectabilité.
Cette farce, visant à donner l’impression d’un pluralisme politique, ne changera en rien la perception qu’a la majorité des Togolais de cette Vᵉ République.
Albert AGBEKO
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