Take a fresh look at your lifestyle.
YAS SOWE-HEADER
YAS Kozooh 1200X300-1G

Manifestations interdites à Dapaong : que cache vraiment la lettre du préfet de Tône ?

YAS Kozooh 1200X300-1G

 

La récente interdiction d’une marche pacifique à Dapaong, initiée par trois partis politiques de l’opposition, relance le débat sur le droit à manifester au Togo. Derrière une justification juridique soignée, la réponse du préfet de Tône, Ouro-Gouroungou Horoumila, laisse entrevoir une instrumentalisation du droit pour museler la contestation citoyenne. Retour critique sur une lettre à double fond.

YAS SOWE

Une lettre au ton paternaliste

TOGOCOM DEVIEN YAS

Sur la forme, la lettre du préfet respecte les standards administratifs. Le style est sobre, presque didactique, avec une volonté apparente d’expliquer la décision d’interdiction. Toutefois, certaines tournures comme « en bons citoyens épris de paix et de justice » trahissent un ton condescendant, voire infantilisant. Un travers fréquent dans l’administration togolaise, qui peine parfois à traiter les acteurs politiques comme des interlocuteurs égaux.

Des irrégularités réelles, mais rectifiables
Le préfet évoque plusieurs insuffisances dans la déclaration de marche : qualité floue des organisateurs, absence d’adresse précise, heure de fin non indiquée. Des griefs légitimes sur le fond, mais qui, dans un État de droit, devraient appeler à une régularisation, pas à une interdiction pure et simple. Or, la lettre ne propose aucun mécanisme de correction. Une posture qui trahit une volonté de blocage plus que de régulation.

L’objet de la marche jugé dérangeant
Le cœur du refus repose sur le motif de la manifestation : une protestation contre la réhabilitation d’une liste électorale par la Cour suprême. Pour le préfet, cela équivaudrait à contester une décision judiciaire, donc à troubler l’ordre public. Problème : dans une démocratie, même une décision de justice peut faire l’objet de critiques publiques. La liberté de manifester ne saurait dépendre du contenu de l’opinion exprimée.
Pire, le préfet invoque la menace que représenterait la remise en cause d’un « sentiment de soulagement » au sein de la population. Une justification floue, émotionnelle, et surtout politiquement orientée en faveur du parti au pouvoir, UNIR.

Un usage politique de l’état d’urgence
Certes, l’état d’urgence est en vigueur dans la région des Savanes, en raison de menaces sécuritaires. Mais la lettre du préfet ne cite aucun renseignement, aucune alerte ni aucun fait concret justifiant qu’une marche dans Dapaong menacerait la sécurité nationale. Le vide factuel de l’argument sécuritaire interroge. Le contexte politique pré-électoral semble être le véritable enjeu.

Le préfet de Töne lisant une déclaration (photo archives)

Confusion entre justice et expression publique
Autre faille juridique : le préfet reproche aux organisateurs d’avoir saisi la justice pour contester une liste, mais de préférer la rue pour critiquer la réhabilitation. Une confusion manifeste entre recours judiciaire et liberté d’expression. Manifester n’est pas contester une décision de justice par voie illégale, mais exprimer un désaccord public, dans le cadre de droits fondamentaux reconnus.

Une ouverture au dialogue qui sonne faux
En conclusion, le préfet interdit formellement la marche, mais se dit disposé à dialoguer sur la cohésion sociale. Une posture contradictoire. Le dialogue ne saurait commencer par une fin de non-recevoir. Sans proposition d’alternative (autre jour, autre lieu, autre format), cette « ouverture » ressemble à un rideau de fumée destiné à masquer une décision unilatérale et politisée.

Lecture politique : verrouillage stratégique de la contestation
Au-delà des apparences juridiques, la lettre laisse entrevoir une volonté de contenir toute expression d’opposition dans une région déjà sous tension à la veille des élections municipales. Le droit de manifester semble appliqué de manière sélective, selon l’identité des demandeurs ou la nature de la cause défendue. Une dérive inquiétante qui renforce la perception d’un usage répressif et partisan de la loi.

Une lettre, un symptôme
En définitive, cette lettre préfectorale illustre les limites structurelles de l’exercice des libertés publiques au Togo. Derrière une façade légaliste, c’est un pouvoir local qui verrouille l’espace civique au nom de la sécurité et de la paix sociale. Un équilibre fragile entre autorité et libertés, où le droit de manifester devient une variable d’ajustement politique.

L’affaire de la marche interdite à Dapaong révèle l’urgence de repenser la gouvernance des manifestations au Togo. Plutôt que des interdictions systématiques, c’est une application impartiale, transparente et constructive de la loi qu’attendent les citoyens. Car sans libertés publiques effectives, aucune paix durable ne saurait exister.

 

Francine DZIDULA 

E-mail :togoscoop@gmail.com 

Tél (00228) :90 96 63 64 /99 56 57 88 Pour vos reportages annonces et publicité contactez la direction commerciale de votre site Togoscoop.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

10 + = 18
Powered by MathCaptcha

This website uses cookies to improve your experience. We'll assume you're ok with this, but you can opt-out if you wish. Accept Read More

Privacy & Cookies Policy