Take a fresh look at your lifestyle.

Tribune : La saison n’est plus à la démocratie d’opérette

Le coup d’Etat n’est pas un mode de dévolution de pouvoir d’Etat consacré. Les théoriciens du droit constitutionnel tourneront sept fois leurs langues avant d’aborder les évènements au Niger et plus fraîchement…au Gabon. En Afrique, ils ont d’ailleurs l’art d’embarquer l’opinion dans des démonstrations qui vous font regretter votre logique, surtout quand ces érudits de nos facultés par le fait de la proximité avec le pouvoir sont comptables des abus du régime.

Au lendemain, du coup d’Etat au Mali, pendant que le consensus était acquis pour condamner ce qu’on peut qualifier de recul démocratique, une certaine vocation de médiation s’est emparée de certains palais qui ont mis à contribution l’intelligence locale pour échafauder des plans de résistance à la pression de la communauté internationale. Et depuis, les jeunes colonels se sont accommodés aux délices du pouvoir, surfant sur une vague de désamour de l’opinion envers l’ancien colonisateur. Si l’efficacité du mécanisme de prévention, de gestion, de règlement de conflits, de la CEDEAO est diversement appréciée, il est d’une honnêteté intellectuelle de reconnaître que sans l’engagement des pays frères, le Mali serait aujourd’hui le Khalifat d’une organisation terroriste. Les relents nationalistes des nouveaux maîtres de Bamako devraient composer avec ce paramètre.

Le Burkina-Faso a fait sa révolution de palais, poussé dehors pour son excès de confiance manifesté à l’égard de la superpuissance mondiale, Blaise Compaoré a fait les frais d’une montée en puissance de la société civile dans son pays. Lâché par les siens, le « beau Blaise » a pris ses quartiers à Abidjan. Adoubé par ses alliés de circonstances, c’est le Gal. Yacouba Isaac Zida, à l’époque colonel qui a pris les rênes du pouvoir au nez et à la barbe de l’homme à tout faire du régime, son supérieur hiérarchique, le Général Gilbert Diendéré. Les généraux Kouamé Lougué et Honoré Nabéré Traoré, ne se sont pas faits prier pour ranger leurs bottes. La médiation conduite par la CEDEAO au lendemain de ce coup de force a sûrement convaincu les militaires à collaborer avec l’institution communautaire pour trouver avec les partis politiques et la société civile un homme consensuel pour diriger la transition, le diplomate Michel Kafando. L’outil de prévention et de résolution des conflits a montré là toute son efficacité. La dissolution de la garde prétorienne de Blaise Compaoré, le Régiment de la Sécurité Présidentielle (RSP) cher au Général Diendéré a failli remettre en cause ce consensus du Comité de désignation du Chef de la transition composé de leaders de l’opposition, des acteurs de la société civile et des militaires. La pugnacité de la CEDEAO avec le soutien notable de la communauté internationale a eu raison de la tentative de coup de putsch du 16 septembre 2015 orchestrée par Diendéré et ses disciples. Aussi, est-il d’une importance capitale de noter la détermination des jeunes officiers des garnisons des provinces d’en découdre avec leurs frères d’armes devenus « rebelles » malgré les messages d’apaisement du Chef d’Etat major à l’époque, le général Zagré. Pour tempérér l’ardeur des soldats loyalistes, Gilbert Diendéré a dû libérer le premier ministre de la transition Isaac ZIDA. La suite… Rock Marc Christian Kaboré, un fidèle de Compaoré rentré en dissidence peu avant sa chute est élu à la tête du pays des hommes intègres. Dans la foulée, l’ancien Premier ministre et Président de fait de la transition, Yacouba Isaac Zida promu général voit annuler sa nomination au poste d’ambassadeur à Washington. Le président Kaboré venait de signer son premier pacte avec les démons du palais de Kosyam… Le Général Zida est devenu un exilé au Canada. Un mandat, puis un deuxième vite écourté, Rock Marc Christian Kaboré, qui se croyait  maître de Ouagadougou est déposé par un nouveau coup d’Etat. La médiation de la CEDEAO débouche sur une transition conduite par le Colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Ce dernier très conciliant avec son ancien maître Compaoré, tente de le réhabiliter et foule du pieds une décision de justice en dressant le tapis rouge à Compaoré. Comme ce dernier, le Col. Damiba est vite écarté du pouvoir par de jeunes mutins conduits par le capitaine Ibrahim Traoré. Apparemment au pays de Thomas Sankara, il faut se garder de manger le totem de son grand-père, et Damiba l’aura appris à ses dépens.

TOGOCOM

Au Soudan, l’ancien homme fort de Khartoum Omar el-Bechir a cédé le 1er mars 2019 la présidence du parti Congrès national à Ahmed Haroun. Le mois suivant, le 11 avril, après plus de trois mois de manifestations et six jours de rassemblements devant sa résidence, l’armée le destitue et procède à son arrestation. Le Prof. Alpha Condé, symbole de la lutte démocratique en Guinée, reconvertie en prédateur des libertés locales ayant contracté le virus du troisième mandat, a été déposé par son aide de camp, l’ancien légionnaire Mamadi Doumbouya. Au Tchad, Idris Déby Itno disparait dans des circonstances mal élucidées au profit de son fils Général 5 étoiles Mahamat Déby Itno. C’est décidément la saison des révolutions de palais !

Le Niger, le 23 juillet 2023 a enregistré la sienne. Le patron de la garde présidentielle, le Général Abdourahmane Chiani, après douze années à contempler le fauteuil, présidentielle a décidé d’y poser également ses fesses. Dans la tragédie en cours au Niger, les Chefs d’Etat de la CEDEAO se sont empressés de condamner la prise de pouvoir par l’ange gardien du pouvoir PNDS. En brandissant une menace d’intervention militaire sur le sol nigérien, l’institution qui se résume aux bons vouloirs du syndicat des Chefs d’Etat se refuse de faire une lecture objective de son passé récent. Et comme un effet de boule de neige, le Gabon.

Le 26 août 2023, les Gabonais âgés de 18 ans et plus, sont appelés à élire leur président de la République au suffrage universel direct. Cette élection est la cinquième élection pluraliste qui se tient au Gabon depuis la fin du parti unique en 1990 et voit concourir 19 candidats sur 27 ayant déposé leur candidature. Une nouveauté qui devrait émouvoir le chercheur africain en sciences politiques, c’est la trouvaille du Centre Gabonais des Élections (CGE), dirigé par un membre du parti d’Ali Bongo, de faire de cette élection un référendum au service du système : le président de la République, les députés et les maires porteront le même suffrage. L’absurdité ne réside pas dans la programmation mais sans doute le bulletin de vote présenté comme un « bulletin unique ». En effet, contrairement aux autres bulletins uniques que l’on peut voir dans d’autres élections, celui utilisé au Gabon oblige l’électeur à choisir un député et un président du même camp. Par exemple, lorsqu’un électeur veut voter pour un député du Parti Démocratique Gabonais (PDG au pouvoir depuis 1967) il est contraint de voter pour Ali Bongo qui est sur le même bulletin unique ! Il suffisait de l’inventer ! Pour arriver à donner un nouveau mandat au fils d’Omar Bongo, nos bons juristes ont sorti cette trouvaille. Il fait bon vivre au palais, advienne que pourra ! Mais Ali Bongo aura surestimé ses forces.

Ces révolutions de palais vite adoubées par une population suffocante sous le poids des dynasties présidentielles a trouvé en la géopolitique de Moscou une opportunité. Oui, un coup d’Etat sans effusion de sang est préférable à un processus électoral faits de morts, blessés ou d’exilés. La conception patrimoniale du pouvoir d’Etat est depuis, une forme de suiscide. Si les nouveaux maîtres ne sont pas non plus des anges, d’ailleurs ils sont comptables de la mauvaise gouvernance érigée en norme, il est aujourd’hui un impératif pour les Chefs d’Etat en fonction, et surtout leurs collaborateurs et familles biologiques d’être prudents. L’arrogance qu’on a vue ailleurs, où le mépris à l’endroit des citoyens de certaines régions du pays est érigé en règle au nom du communautarisme sont des faisceaux porteurs de désillusion.

HCRUNN

Le déverrouillage des institutions comme préconisé par Me Yawovi Agboyibo au Togo, est plus que d’actualité. L’un des exemples du verrouillage des institutions en Afrique est la Cour Constitutionnelle du Gabon créée en 1991 et dont sa présidente depuis la création de cette cour a été toujours madame Marie Madeleine Mborantsuo, ex concubine de Bongo Père, avec qui elle a eu deux enfants. L’arbitraire que dénoncent les peuples qui croupissent dans la pauvreté est ce mélange de genre. Le candidat Ali Bongo est le beau-fils à la présidente de la Cour Constitutionnelle, et les enfants de cette dame sont alors ses demi frères. Quand il s’agira d’aller par devant cette haute juridiction pour résoudre des contentieux électoraux, la tendance est forte qu’elle penchera sa balance pour son beau-fils Ali Bongo au nom de l’intérêt de ses enfants biologiques, « car si leur grand frère est toujours président de la République, ses enfants seront toujours au lait et au miel ».

Il n’est pas sain d’applaudir un coup d’Etat militaire mais les derniers développements doivent forcer notre analyse de fond des coups de forces en cours sur le continent. Les coups d’Etats actuels n’ont rien à voir avec les coups d’Etat classiques dont ont été victimes en majorité les pères de l’indépendance en Afrique. Ces formes contemporaines de coups d’Etat, sans effusion de sang et souvent opérés depuis le palais, sont une conséquence des démocraties d’opérette orchestrées au début des années 2000 par les nostalgiques du système dictatorial. En réponse au fléau du troisième mandat, ils viennent rectifier un désordre institutionnel bien encadré par une élite majoritairement issue de la diaspora et souvent titulaire de la double nationalité.

Dans une république, le pouvoir n’est pas divin ; et il y a une vie après le pouvoir. Nos dirigeants devraient s’approprier cette leçon de vie : Mobutu a été si puissant mais son somptueux château de Gbadolité, où ont défilé bien de personnalités du monde, est aujourd’hui habité par les rats. Tout est vanité !   Olussegun Obasanjo, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, Alpha Omar Konaré et bien d’autres encore en vie ont su quitter le pouvoir par la grande porte. Le plus beau compliment qui soit pour un dirigeant c’est de quitter le pouvoir avant qu’il ne le quitte. Quitter au moment où son peuple le réclame le plus.

Ces courtisans, ces zélés de sécurocrates qui squattent le palais, ces faux frères aptes à chanter mille fois « Mandja » à la minute, ces pétasses qui ne jurent que par votre nom, ces faux opposants prêts à la moindre compromission pour marchander la confiance du peuple, vous lâcheront à la moindre occasion. Ça n’arrive pas qu’aux autres, en tout cas nous ne ferons du bruit pour personne !

Dr. Koffi Mikôdomé EDOH

E-Mail: togoscoop@gmail.com

Tél : (00228) 90 96 63 64/ 99 56 57 88 : Pour vos reportages, annonces et publicité, contacter le service commercial de votre site Togoscoop.

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée.

This website uses cookies to improve your experience. We'll assume you're ok with this, but you can opt-out if you wish. Accept Read More

Privacy & Cookies Policy