Université de Lomé : La révolte des enseignants-chercheurs contre les dérives du prof. Kokoroko
La convocation adressée au doyen de la Faculté de droit (FDD) de l’Université de Lomé (UL), Adjita Akrawati, à se présenter ce 4 juillet 2023 devant le Conseil de discipline prend une allure insoupçonnée. Alors que s’égrène les heures pour cette convocation très suivie dans les milieux universitaires, des appels fusent sur les réseaux sociaux. Des messages relayés dans les groupes des enseignants-chercheurs demandent à ces derniers et au personnel administratif et technique de se mobiliser pour apporter leur soutien au doyen. « Possibilité de porter les toges », lit-on dans l’appel. C’est dire que l’exaspération a atteint le seuil du tolérable au point où les enseignants-chercheurs en sont arrivés à réagir ainsi pour finir une fois de bon avec ce qu’ils appellent « les dérives et abus » du président de l’Université, le Professeur Dodji Kokoroko et de leur ministre de tutelle, Professeur Majesté Ihou Watéba.
L’université, le temple du savoir qui, doit être un espace du foisonnement de débat et d’idées novatrices est mis sous coupes réglées par les dirigeants actuels en charge de sa gestion. A l’université de Lomé, les voix discordantes et les critiques ne sont plus tolérées. Pour être dans les bonnes grâces du président et mériter les avancements, il faut regarder dans la même direction que lui, ne pas le contredire même dans « ses dérives et abus d’autorité ».
Toute vie associative est bannie sur le campus de Lomé. Très loin est la période où les syndicats estudiantins ou mêmes d’enseignants pouvaient se réunir pour se pencher sur les problèmes qui les minent. Le professeur Dodji Kokoroko a pacifié l’Université de Lomé, aucune revendication ou manifestation hostile à cette gestion n’est plus plausible.
Mais certains de la communauté universitaire, excédés par les multiples dérives et abus de la paire Kokoroko-Ihou Wateba qui sont sources de malaise général avec pour conséquence un état de mal-être et une ambiance délétère entamant le bon fonctionnement de l’université ont commencé par tonner de la voix. C’est ainsi qu’à l’initiative du Doyen de la FDD une pétition a été lancée. Il s’agit de faire « l’état des lieux sur les dérives autoritaires et abus de droit des autorités en charges de la gestion des universités publiques du Togo ». Un document accompagnant cette pétition a été produit et transmis le 12 juin 2023 au Président de la République pour lui permettre de rendre compte de la situation et solliciter sa sagesse pour trouver des solutions aux problèmes qui minent l’enseignement supérieur au Togo.
Piqué au vif par cette initiative, le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, le professeur Majesté Ihou Wateba, a instruit le président de l’Université qui, par l’entremise du Conseil de discipline, a convoqué le doyen de la FDD, Adjita Akrawati Shamsidine « aux fins de vous écouter sur le contenu de votre note d’information et spécifiquement sur le sens de votre combat contre la gouvernance universitaire à laquelle vous êtes partie prenante en votre qualité de doyen de faculté ».
La convocation mentionne que le doyen de la FDD pourra se faire accompagner par un avocat. Bien plus qu’un avocat, c’est la mobilisation de la communauté universitaire qu’on s’attend. Puisque le message relayé sur les réseaux sociaux demande à cette dernière d’aller soutenir le doyen. « Appel à tous les collègues enseignants-chercheurs et au personnel administratif et technique pour une mobilisation général pour accompagner le doyen Adjita de la FDD à sa convocation à la présidence de l’UL », lit-on dans cet appel.
Va-t-on alors assister à un réveil des enseignants-chercheurs ? Les universitaires avec le barreau, les deux corps d’élites de la République, jadis sollicités pour donner leurs avis sur des sujets d’intérêt de la nation font preuve aujourd’hui d’un mutisme embarrassant. Précurseurs de la démocratie et de l’état de droit au Togo au temps fort de la dictature rampante, ils n’avaient pas peur de montrer leurs aspirations à la liberté, à la justice et à la dignité humaine. Mais aujourd’hui, ils sont devenus l’ombre d’eux-mêmes préférant les intérêts personnels au détriment de leur rôle d’éclaireurs de la République.
Si aujourd’hui, les enseignants-chercheurs se réveillent, on ne peut que saluer leur courage dans une société togolaise de plus en plus en encline à l’indifférence. Le sort de notre prochain ne nous concerne plus. Le plus important c’est la course à l’enrichissement surtout illicite.
Cet appel à la responsabilité lancé par la communauté universitaire, a tout son sens et cette responsabilité doit commencer d’abord par les enseignants du supérieur. Pas attendre qu’on soit victime de l’injustice d’abord avant de réagir car comme nous l’apprend le Pasteur Martin Niemoller dans son célèbre poème : « Lorsqu’ils sont venus chercher les communistes. Je n’ai rien dit je ne suis pas communiste. Lorsqu’ils sont venus chercher les démocrates. Je n’ai rien dit je ne suis pas démocrate. Lorsqu’ils sont venus chercher les syndicalistes. Je n’ai rien dit je ne suis pas syndicaliste. Lorsqu’ils sont venus chercher les catholiques. Je n’ai rien dit je ne suis pas catholique. Lorsqu’ils sont venus chercher les juifs. Je n’ai rien dit je ne suis pas juif. Puis ils sont venus me chercher. Et il n’y avait plus personne pour protester”.
On espère que cette prise de conscience commencera par le temple du savoir et que désormais les enseignants-chercheurs prendront position dans les débats et sujet d’intérêt communs. C’est en cela qu’ils contribueront à éloigner de notre société des abus et dérives de tout genre qu’ils dénoncent aujourd’hui.
Francine DZIDULA
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Merci d’avoir émis cette analyse qui interppelle tout Togolais. C’est inquiétant de voir que l’autorité qui a reçu la la lettre du doyen n’ait pas pu procéder autrement que de créer la confrontation entre lui et son superviseur que la lettre dénonce.
Le doyen ne créait pas la subversion, il attirait l’attention et le traîner devant le conseil de discipline de l’UL est un signal que le rôle de contributeur de l’université à l’éveil de la nation et à l’esprit critique de la jeunesse n’est pas encouragé.
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