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Mame N’Dela Guene : « J’avais à cœur de montrer qu’être pilote n’est pas un métier de génie »

D’origine togolaise, Mame N’Dela Guene est l’une des rares femmes pilotes de l’aviation civile togolaise. Après sa formation dans la prestigieuse école de formation d’Ethiopian Airlines, la jeune togolaise s’apprête à prendre la commande des avions de la compagnie aérienne Asky.

Dans cette interview, elle nous parle de sa passion, ses défis mais aussi conseille les jeunes filles à oser dans des secteurs d’activité comme celui des hommes.

Lire l’interview…

 

TOGOCOM

TOGO SCOOP : Présentez-vous brièvement à nos lecteurs ?

Mame N’Dela Guene : Je suis Mame N’Dela Guene. Née d’une mère togolaise et d’un papa sénégalais. J’ai fait toute ma vie au Togo.

TOGO SCOOP : Quel a été votre parcours scolaire et universitaire ?

Mame N’Dela Guene : J’ai eu mon baccalauréat G2 à ITNDE à Lomé. Après, j’ai fait une licence en comptabilité à ESAM.  Un master en Audit et contrôle de gestion à ISM. J’ai embrassé l’Expertise comptable parce que j’ai un faible pour les chiffres. J’ai travaillé dans des cabinets d’expertise Tate et associés, Ci conseils, après dans l’électro-ménager et finalement à Asky comme gestionnaire de stock

TOGO SCOOP : Vous êtes diplômée de la prestigieuse école de formation des pilotes d’Ethiopian Airlines à Addis-Abeba. Dites-nous comment s’est opéré cette sélection ?

Mame N’Dela Guene : Depuis 2020 j’ai voulu joindre l’Academy de Ethiopian à cause de Covid les écoles étaient fermées seule une école de pilotage a été ouverte SFA (Safe Flight Academy). Quelques mois après j’ai perdu ma mère, obligée de revenir au pays. Jai dû quitter pour reprendre encore ma formation à Accra. Là, j’ai commencé le PPL (NDLR : Private pilot licence). Cela m’a pris une année au lieu de 6 mois, en raison surtout des problèmes météorologiques et quelques problèmes techniques que rencontrait l’école.

Vu l’avancement des choses et le temps que cela prenait, j’ai commencé par chercher des plans B. J’ai encore fait plusieurs tentatives en direction d’Ethiopian par mails, appels toujours sans suite. Leur silence s’expliquerait par le fait que les étrangers ne sont pas acceptés. Mon choix s’est alors porté sur une école en Hongrie après des conseils. J’ai finalement compris qu’en aviation le choix des écoles doit se faire après recommandation de quelqu’un qui a fréquenté l’école ou sur l’assurance de la véracité du dossier. Dans le cas contraire, c’est une perte de temps et d’argent jeté par la fenêtre.

Après négociation avec l’école de Hongrie, j’ai effectué le 1er paiement. Mais un jour, en route pour la maison un numéro inconnu m’appela et me demanda : « Mlle Guene c’est Ethiopian Academy, finalement votre dossier a été accepté.  Pouvez-vous commencer la semaine prochaine parce qu’il y a une classe qui est ouverte ».  J’étais stupéfaite, contente et embarrassée en même temps. Je rêvais de rejoindre cette Academy et bien le bon Dieu me l’offre.

TOGO SCOOP : Quels sont les atouts qui ont milité à votre choix ?

Mame N’Dela Guene : Comme je l’avais dit plus haut j’ai été gestionnaire de stock à Asky, l’un de mes travaux constituait à donner des uniformes aux hôtesses et pilotes. Je discutais avec eux pour savoir comment la formation se passe et tout. Un jour, j’ai vu une commandante pilote j’ai poussé ma curiosité à savoir si elle était togolaise. On m’a dit non qu’il n’y a pas de femme pilote togolaise. D’où la naissance de ma motivation pour le pilotage. Je n’ai jamais rêvé être pilote mais aujourd’hui c’est ma vie, c’est ma passion, c’est mon tout.

TOGO SCOOP : Vous étiez combien à suivre les cours ? Etes-vous la seule Togolaise ?

Mame N’Dela Guene : Il y avait avant mon arrivée à Addis-Abeba 11 Togolais que Asky a envoyés en formation, dont une fille du nom de Jessica que je salue au passage, elle m’a beaucoup aidée.  Après il y a un Togolais nommé Bill que je salue également au passage, le plus jeune pilote togolais. Après leur classe moi j’ai suivi. Il y a encore 21 Togolais qui sont actuellement en train de faire la formation à Addis-Abeba.

TOGO SCOOP : Est-ce facile d’embrasser cette carrière ?

Mame N’Dela Guene : Ce n’est pas facile d’embrasser cette carrière surtout en étant loin de sa famille. Cette carrière nécessite beaucoup de courage et surtout de la détermination. Elle nécessite beaucoup de concentration parce que chaque jour il y a de nouveau challenge et défi à relever.

TOGO SCOOP : Racontez-nous votre premier vol ?

HCRUNN

Mame N’Dela Guene : Mon premier vol avec Ethiopian, il n’y avait pas trop de challenge vu que j’avais mon PPL (NDLR : licence pour pilote privé). Mais à Accra (Rire). Il y a le G force (NDLR :  l’accélération de la pesanteur à la surface de la Terre) que nos instructeurs nous font sentir (rire…). Moi j’ai dû laisser le contrôle et attraper mon instructeur parce que tu ressens ça dans le ventre. Tu ne vas même plus sentir tes pieds et ça te donne l’impression d’aller à vomir (rire…).

Mais avec Ethiopian, la plus mauvaise expérience que j’ai eue, c’était un jour en vol solitaire, seule sans instructeur, on le fait plus de 50 fois durant la formation. Mais avant de partir dans notre communication room (NDLR : salle de communication) j’attendais les collègues faire Go around ( NDLR : quand tu viens pour atterrir et tu n’es pas stable ou il y a un phénomène sur la  piste ou toute situation obligeant à repartir et à revenir pour atterrir ). Presque tous les avions le faisaient. Je pars en navigation je reviens tout est bon ; j’atterris, je mets mon bras sur la porte parce que j’ai juste besoin du rudder (NDLR : le pétale de pied qui permet de contrôler la direction de l’avion) pour taxi et amener le aircraft au parking. D’un seul coup un vent, updraft (NDLR : un courant d’air ascendant) soulève l’avion. J’ai gagné au moins un 100 à 200ft (NDLR ; feet, unité de mesure), (Rire…). Je souris aujourd’hui, mais le jour-là c’était Dieu. Mais quand tu as un updraft c’est qu’il y aura un downdraft (NDLR : courant d’air descendant) qui va suivre mais la chance que j’ai eue c’est que ce sont des situations que mon instructeur de pré-solitaire m’a fait vivre et répéter plusieurs fois. Depuis ce jour-là la leçon que j’ai apprise est tant que le moteur n’est pas éteint au parking il faut toujours être vigilant.

TOGO SCOOP : Comment êtes-vous venue à ce métier ? Est-ce un rêve ou un hasard ?

Mame N’Dela Guene :  C’était un pur hasard mais aujourd’hui c’est devenu une passion, un rêve, c’est toute ma vie parce qu’à chaque fois que je suis au contrôle je ressens une certaine paix intérieure je me sens vraiment légère.

TOGO SCOOP : Quelles sont les aptitudes à avoir pour devenir pilote ?

Mame N’Dela Guene : Selon moi pour devenir pilote, il faut le courage pour la classe, il y a 14 matières subdivisées en 30 parties. A la fin de chaque partie, il y a examen à faire le jour suivant et tu n’as que de chances pour reprendre cela. La détermination pour le coté flight (pour les vols). Pour certains, le premier jour ça marche ; pour d’autres c’est après des répétitions. Si tu n’es pas déterminé à atteindre tes objectifs tu abandonneras. Il faut avoir la rigueur, la discipline.

TOGO SCOOP : Vous êtes maintenant pilote de la compagnie Asky : quel est votre plus beau souvenir…

Mame N’Dela Guene : Je n’ai pas encore commencé les vols sur Asky. Nous sommes dans le processus de conversion de notre licence par l’ANAC parce que nous avons la licence éthiopienne.

Le plus beau souvenir que j’ai pour le moment c’était mon vol d’Addis-Abeba à Lomé sur le dream liner 787. Du décollage à l’atterrissage c’était trop beau, comment la technologie a vraiment évolué.

TOGO SCOOP : Votre prochain défi ?

Mame N’Dela Guene : Je veux servir mon pays sur quelques années. Prendre l’envol après sur Emirates ou Qatar. Faire la formation d’instructeur et donner des cours au sol dans certaines écoles de l’Afrique. Mais d’ici 5 ans, je veux monter avec mes collègues une école de pilotage au Togo et dans certains pays de l’Afrique si possible. Sensibiliser les jeunes filles à embrasser les métiers de l’aéronautique et (médecine aéronautique, techniciennes ingénieurs) …

Avant le métier de pilotage nécessitait d’être bon en math, physique etc.., de nos jours avec l’évolution, il faut avoir le courage, la détermination s’il y a la passion ça avance encore vite, la rigueur la discipline. Il faut éliminer l’esprit individualiste et avoir l’esprit d’équipe parce que tout se fait à deux, même si la décision finale revient au commandant de bord.

J’exhorte surtout les filles à embrasser cette formation on sait tous c’est une formation bien coûteuse mais ça en vaut le prix. Ce n’est pas qu’un métier d’homme, il y a plein de femmes commandantes aujourd’hui sur des gros porteurs dans le monde. Mon rêve est que d’ici 5ans que ne soit plus 2 femmes pilotes togolaises mais au moins une cinquantaine.

TOGO SCOOP : Quels conseils donner aux jeunes qui vont lire cet article et qui auront envie de vous emboîter les pas…

Mame N’Dela Guene : Rien n’est impossible, il suffit juste d’avoir la volonté et surtout d’y croire. J’ai été comptable mais aujourd’hui je suis pilote juste parce que j’avais la volonté de montrer qu’être pilote n’est pas un métier de génie et de série, que tout le monde peut le faire.

 

 

Propos recueillis par Albert AGBEKO

E-Mail : togoscoop@gmail.com

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1 commentaire
  1. SAMA Kossiwa L'utilisateur dit

    Félicitations, Proud of you.

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