Agriculture togolaise : des milliards investis, peu de résultats visibles sur le terrain

Le Groupe de la Banque mondiale a approuvé le 11 juin 2025 un financement de 300 millions de dollars en faveur du Togo pour soutenir un ambitieux programme de transformation de l’agriculture. Mais face à l’enthousiasme officiel, des voix critiques s’élèvent pour interroger l’efficacité de la gestion des fonds agricoles dans le pays.

Des financements massifs, mais un impact contesté

Ces dernières années, le secteur agricole togolais a été arrosé de financements internationaux. Rien que dans le cadre du Programme national d’investissement agricole et de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PNIASAN), 1 250 milliards de francs CFA ont été mobilisés en une décennie.
Objectif affiché : atteindre un taux de croissance de 10 % du PIB agricole d’ici à 2026, améliorer la balance commerciale agricole de 15 %, doubler les revenus des ménages agricoles et réduire la malnutrition. Dix ans plus tard, ces promesses restent en grande partie lettre morte.
Un nouveau programme ambitieux : ProMAT
Le nouveau Programme de modernisation de l’agriculture au Togo (ProMAT 2025-2034), soutenu à hauteur de 300 millions USD par la Banque mondiale, s’annonce comme un tournant stratégique. Il prévoit :
-la modernisation des institutions agricoles,
-un meilleur accès des agriculteurs à la mécanisation et aux financements,
-l’extension de l’irrigation sur 7 200 hectares,
-la gestion durable de 50 000 hectares,
-la création de 72 500 emplois.
Mais pour beaucoup d’acteurs du terrain, ces chiffres sont désormais accueillis avec scepticisme, compte tenu des expériences passées où les annonces n’ont souvent pas été suivies de réalisations concrètes.
Des résultats en deçà des attentes
En milieu rural, la réalité est implacable : manque d’infrastructures agricoles, accès difficile au financement, insuffisance de matériel moderne, marché instable, faible valorisation des produits locaux. Malgré les centaines de milliards injectés, le ministère a fait circulé la semaine dernière l’information selon laquelle les tracteurs sont alloués aux agriculteurs contre paiement de 40 000 F CFA, alors que la précarité des petits exploitants reste criante. Pendant ce temps, le maïs, principale denrée alimentaire frôle 1000 F CFA le bol depuis plusieurs mois sur le marché.
À titre d’exemple, les Zones d’Aménagement Agricole Planifiées (ZAAP), censées structurer la production agricole nationale, peinent à se déployer efficacement sur l’ensemble du territoire.
Appels à la transparence et à la redevabilité
Sur les réseaux sociaux et dans plusieurs forums agricoles, les critiques fusent sur la gestion des projets agricoles au Togo. Des ONG, journalistes et organisations paysannes exigent aujourd’hui des audits indépendants et la publication des résultats détaillés des projets passés.
« À quoi bon annoncer de nouveaux milliards si ceux d’hier n’ont pas porté de fruits ? », s’interroge un jeune agriculteur de la préfecture Vo, las des promesses non tenues.
Une collaboration inédite avec la SFI et la MIGA
Pour sa part, la Banque mondiale insiste sur la nouveauté de son approche, reposant sur une synergie entre trois de ses branches :
-Banque mondiale pour les politiques publiques,
-Société Financière Internationale (IFC) pour le soutien au secteur privé,
-Agence Multilatérale de Garantie des Investissements (MIGA) pour sécuriser les investissements.
Mais l’efficacité de cette architecture dépendra surtout de la volonté des autorités togolaises à garantir une gestion rigoureuse et transparente des fonds alloués, condition sine qua non à toute transformation agricole durable.
Une agriculture entre espoirs et doutes
Le Togo ambitionne de devenir un hub régional dans l’agro-industrie et la nutrition animale. Mais pour cela, il faudra plus que des financements et des discours : il faut des résultats concrets, mesurables, visibles dans les champs et dans les assiettes des Togolais.
Albert AGBEKO
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