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Changement de constitution : La LTDH demande le « retrait pur et simple » de la loi

 

Alors que dans un geste d’apaisement, le Président de la République a ordonné que le texte de modification de la constitution qui est source de tension dans le pays soit relu par l’Assemblée nationale, pour la Ligue togolaise des droits de l’homme, il faut que le texte soit purement et simplement retiré, a annoncé le président de cette association au cours d’un point de presse tenu au siège de l’association.

Par ailleurs, l’association déplore aussi le fait que les droits de l’Homme soient relégués au second rang dans la nouvelle constitution.

TOGOCOM

Lire la déclaration liminaire sanctionnant ce point de presse

DÉCLARATION DE LA LIGUE TOGOLAISE DES DROITS DE L’HOMME RELATIVE AU CHANGEMENT ILLEGAL ET ILLEGITIME DE LA CONSTITUTION TOGOLAISE PAR LES DÉPUTÉS À L’ASSEMBLÉE NATIONALE

 

Le matin du 26 mars 2024, la LTDH à l’instar de la majorité du peuple togolais a été choquée, éberluée, totalement désemparée et frustrée en apprenant la nouvelle de la modification de la constitution togolaise par des députés à l’assemblée Nationale togolaise réunie  dans la nuit profonde, à une heure  où les esprits épris de paix et de justice s’étaient endormis.  Malheureusement, l’obscurité traduisait le mauvais présage qui s’abattait sur la terre de nos aïeux : l’Assemblée Nationale Togolaise venait d’adopter une loi portant changement de la constitution.

Cette loi qui  fait passer le Togo de la IVème République à la Vème République en instituant désormais un régime parlementaire en lieu et place du régime semi-présidentiel existant, non seulement,  a été adoptée dans des conditions à la fois curieuses, irrégulières, illégales et anticonstitutionnelles, mais aussi, est inopportune et inadaptée à la situation sociopolitique togolaise eu égard à l’histoire politique de notre pays. De surcroît, elle viole les droits fondamentaux du citoyen togolais, particulièrement le droit au vote.

  • Les conditions regrettables dans lesquelles la nouvelle loi constitutionnelle est intervenue

Il est incontestable que le mandat des députés à l’Assemblée Nationale togolaise a expiré depuis le 31 décembre 2023. Ainsi, il ne fait l’ombre d’aucun doute que l’adoption le 25 mars 2024, soit trois (03) mois plus tard, d’une loi d’une telle envergure qui touche notamment à l’élection du Président de la République est intervenue après l’expiration dudit  mandat.

En effet, s’il est vrai que  l’article 52, dernier alinéa de la Constitution a prévu que les députés sortants restent en fonction jusqu’à la prise de fonction effective de leurs successeurs (texte qui est sujet à débat juridique puisqu’il ne leur donne pas le droit de voter de nouvelles lois),  il est tout de même curieux que nos députés aient attendu trois (03) mois après la fin de leur mandat et un mois avant le renouvellement de leur institution,  pour prendre la plus grande et la plus grave décision de leur mission alors que « rien » ne les empêchait de le faire en cours de mandat. 

En outre, il s’agit d’une loi qui modifie non seulement le mode d’élection du Président de la République, mais aussi le mandat présidentiel au Togo ainsi que la durée dudit mandat, or, l’article 59 de la constitution dispose clairement en ses alinéas 1er et 2 que « Le Président de la république est élu au suffrage universel, libre, direct, égal et secret pour un mandat de cinq (5) ans renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être modifiée que par voie référendaire ».

Il s’en infère que les députés togolais, en modifiant  seuls et dans la clandestinité les dispositions précitées, ont cruellement violé la constitution togolaise en se substituant de force à la volonté populaire et en croyant à tort être couverts par les dispositions de l’article 144 de la Constitution qui dispose : « L’initiative de la révision constitutionnelle appartient concurremment au Président de la République et à un cinquième (1/5) au moins des députés de l’assemblée nationale. Le projet ou la proposition de révision est considéré comme adopté s’il est voté à la majorité des quatre cinquièmes (4/5) des députés composant l’Assemblée nationale.  A défaut de cette majorité, le projet ou la proposition de révision adoptée à la majorité des deux tiers (2/3) des députés composant l’Assemblée nationale est soumis au référendum » ;

 

En réalité, les dispositions de l’article 144 ne font qu’énoncer un principe d’ordre général auquel déroge le cas spécial prévu à l’article 59.

Tout en rappelant qu’en droit, les règles spéciales dérogent aux règles générales, nous devons comprendre à travers les dispositions combinés des articles 59 et 144 de la Constitution que les députés à l’Assemblée nationale ont le pouvoir de réviser la constitution togolaise à la majorité des quatre cinquième (4/5) ou de soumettre la révision au référendum en cas de majorité des deux tiers (2/3) lorsqu’il s’agit de toutes dispositions de ladite constitution à l’exception de celles relatives à l’article 59.

Ainsi donc, il apparaît clairement que la loi portant changement de la constitution votée le 25 mars 2024 par l’Assemblée Nationale togolaise l’a été  en flagrante violation de la constitution togolaise notamment  son article 59.

Par ailleurs, les représentants du peuple ont choisi non seulement d’écarter leurs mandants du processus de révision de la loi fondamentale de la République, mais aussi de leur cacher leur proposition de loi dont le contenu est resté à leur totale discrétion : quelle curiosité ?

 

  • L’inopportunité d’une loi qui porte atteinte aux droits humains des citoyens
HCRUNN

A l’article 21 alinéa 3 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme (DUDH) il est édicté : « La volonté du peuple est le fondement de l’autorité des pouvoirs publics ; cette volonté doit s’exprimer par des élections honnêtes qui doivent avoir lieu périodiquement, au suffrage universel égal et au vote secret ou suivant une procédure équivalente assurant la liberté du vote » ;

L’Article 25-b du Pacte International relatif aux droits Civils et Politiques (PIDC), énonce que «Tout citoyen a le droit en la possibilité, sans aucune discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables, de voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la  volonté des électeurs ».

Le droit de vote du citoyen togolais est donc un droit humain par excellence, un droit inaliénable dans le cadre de sa participation à la vie publique et à la gouvernance étatique. Effriter une partie de ce droit alors qu’il n’a pas été consulté par voie référendaire comme l’exige la constitution, constitue à n’en point douter une violation des droits humains et des libertés publiques reconnus aux citoyens.

Ainsi donc, en dépouillant les citoyens togolais sans leur avis d’ailleurs, de leur droit de choisir à la magistrature suprême et par suffrage universel, le Président de la République, première personnalité au sommet de l’État, les députés de l’Assemblée nationale togolaise ont impitoyablement privé ceux-ci du maximum de leur droit en ce qui concerne leur participation aux affaires publiques et politiques de l’État. 

 

Dès lors, l’on se demande ce qui pourra justifier une telle modification de la constitution caractérisée par l’introduction d’un régime parlementaire, ceci à un mois des élections législatives, et l’avantage particulier que renfermerait un tel régime par rapport au régime semi-présidentiel de sorte à expliquer la précipitation dans laquelle les parlementaires togolais ont œuvré, si ce n’est dans l’unique objectif de faire maintenir indéfiniment un seul régime au pouvoir  et de faire du pays un royaume où tout prince pourra allègrement succéder à vie ?

Pourra-t-on nous dire ou nous assurer que le régime parlementaire est un instrument idéal pour le respect des droits humains et des libertés publiques ? 

Sommes-nous en droit d’affirmer que par ce fameux régime, il est garanti aux citoyens, les droits économiques sociaux et culturels caractérisés par une alimentation adéquate, un accès aisé à de l’eau potable, à l’électricité et à l’assainissement, une éducation pour tous et à un coût abordable, un logement convenable, une réduction considérable du taux de chômage, une réelle augmentation et harmonisation du SMIG, un accès équitable et abordable aux soins de santé etc… ?

Devons-nous être rassurés que c’est le régime parlementaire qui devra garantir aux citoyens, la véritable jouissance des droits civils politique, c’est-à-dire offrir un cadre où la liberté d’expression, de réunion et de manifestation seront désormais respectés où l’on ne fera plus de confusion entre une réunion privée et une manifestation publique ? Où l’on ne fera plus d’amalgame lorsqu’il s’agit de traiter la situation juridique d’un journaliste qui aurait commis une infraction dans le cadre de l’exercice de ses fonctions et un citoyen lambda en conflit avec la loi ?      

A l’issue de toutes ces interrogations, la LTDH ne perçoit ni l’efficacité ou la nécessité d’un régime parlementaire pour notre pays, ni l’opportunité de cette révision constitutionnelle.

La pire démarche adoptée par les nouveaux constituants, c’est d’avoir choisi délibérément et sans scrupule, d’ôter carrément de leur nouveau texte, la rubrique consacrée aux droits humains et libertés fondamentales, intitulée ; « DES DROITS, LIBERTES ET DEVOIRS DES CITOYENS » pour les mettre dans un document annexe. Cela témoigne simplement d’une volonté de dévaloriser les droits humains des citoyens togolais en enlevant à ceux-ci, leur force constitutionnelle. 

Enfin, cette nouvelle loi contraste fortement avec le protocole de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance qui interdit toute réforme importante de la loi électorale dans les six mois qui précèdent une élection étant donné que nous étions à moins d’un mois d’un scrutin législatif où il sera question de voter des députés dont les prérogatives et les missions ne seront plus les mêmes au lendemain de leurs élections.

La LTDH constate que l’appel lancé par le Chef de l’État aux auteurs de cette loi en vue de procéder à sa seconde lecture, quand bien même, cela pourrait être lu comme une démarche témoignant de son attention aux préoccupations des Togolais face à ce coup de force législatif, cela est loin d’être la solution appropriée.

La LTDH demande par conséquent aux autorités compétentes, particulièrement à Monsieur le Président de la République Togolaise, à madame la Présidente de l’Assemblée nationale togolaise et aux députés de ladite Assemblée Nationale, de prendre toutes les mesures qui s’imposent afin que cette loi soit purement et simplement retirée.

      Fait à Lomé, le 02 avril 2024

      Pour la LTDH,

                                                         Le Président

 

Maître Célestin Kokouvi AGBOGAN

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