CHU Kara : Un vaste réseau de trafic de médicament met en danger la vie des patients

 

Alors qu’on pensait que les mauvaises pratiques qui avaient cours et qui étaient criardes dans le secteur de la santé sont reléguées au passé, on s’est rendu compte qu’on s’était juste trompé. Elles subsistent toujours, se sont dupliquées, se sont adaptées aux menaces et efforts que font les autorités pour les éradiquer.

Dans plusieurs centres hospitaliers du pays des plaintes des patients qui se disent victimes d’harcèlement, de corruption, de détournement de médicament mais aussi de malades vers des cliniques … nous parviennent très souvent.

Mais celle qui a retenu notre attention nous vient de la ville de Kara, dans la partie septentrionale du pays, à environ 420 km au nord de Lomé.

Dans cette ville, le 20 septembre 2023, un patient a été admis au Centre hospitalier universitaire (CHU) pour morsure de serpent. Le médecin traitant lui a alors prescrit le sérum antivenimeux. La pharmacie du CHU Kara ne disposant pas de ce sérum, les parents se sont rendus dans une pharmacie en ville où ils découvrent que les deux flacons prescrits coûtent 137.750F CFA. Alors que la famille se concertait pour réunir les sous pour s’en procurer, le médecin soignant l’approche et lui propose le produit à 60.000F la boîte, qui contient deux flacons. Les parents du patient se sont pliés à cette offre.

Une heure plus tard, après l’analyse du sang, le médecin prescrit de nouveau le même produit et empoche encore 60.000F sans évolution du cas du patient. Face à la dégradation du cas du patient, il prescrit une troisième fois le même produit pour le lendemain ce qui lui permet de soutirer 180.000F à la famille en deux jours. Ayant trouvé sa vache  laitière qu’il veut dépouiller jusqu’au dernier centime, cet homme en blouse blanche propose au troisième jour à la famille du patient six (6) flacons, cette fois-ci avec 60.000F de réduction, c’est-à-dire que les parents devraient payer 1 20.000F au lieu de 180 000 F.

Quand un médecin, qui a prêté serment de sauver des vies humaines se transforme en commerçant sur son lieu de travail, c’est un danger pour ses patients.

UNE PERATIQUE ERIGEE EN REGLE

Ce cas n’est pas un isolé dans ledit hôpital puisqu’un cas similaire s’est également produit. Un patient transféré du canton d’Aouda pour le CHU Kara, un autre médecin et son collègue lui ont proposé les 3 boîtes du sérum contre 180 000 F.

Ces cas graves ont alerté l’Observatoire pour la promotion de la santé en Afrique (OPS-Afrique) qui est intervenu. L’organisation qui a réussi à avoir les produits administrés aux patients qui, seraient, selon toutes vraisemblances, des produits de rue, vue leur emballage. Elle est entrée également en contact avec les médecins traitants.

Un a confié acheter les produits auprès de son collègue et la commande se fait au Bénin. Il a précisé que le produit est régulièrement utilisé depuis longtemps au CHU Kara et « parfois ça marche », selon ses propres termes ce qui devrait surprendre venant d’un personnel médical.

Les deux autres agents interrogés ont aussi avoué avoir vendu le produit avant de s’accuser mutuellement sur celui qui a encaissé les sous. Les investigations de l’OPS ont permis de savoir que le livreur est un aide-soignant précédemment morguier au CHU Kara. Les mêmes sources  renseignent que ce dernier reçoit ces produits auprès d’une femme, elle-même personnel du même centre. Tout porte à croire que c’est un vaste réseau de trafic illicite de produits au sein de cette structure sanitaire.

A la suite d’une plainte déposée par les deux victimes auprès de l’organisation dirigée par Agouzou Ricardo, les mis en cause, avec le concours d’un huissier, ont réussi à faire signer à l’une des victimes une note contre remboursement de 180 000 F. Face à la réticence de la dernière victime à retirer sa plainte, sa somme lui a été remboursée avec une décharge. Preuve que ces hommes en blouse se reprochent quelque chose.

LES AUTORITES DE LA SANTE ALERTEES

Informé, le Directeur du CHU Kara a promptement réagi. Grâce à son intervention on a su que le sérum antivenimeux qu’on ne retrouverait pas à la pharmacie de l’hôpital est en réalité détourné par les médecins et vendu cher aux patients. Le sérum normalement subventionné par l’Etat est vendu dans les hôpitaux à 15 000 F. Voilà comme des gens se le sucrent au dos de la pauvre population en doublant le prix.

Le ministre de la santé et de l’hygiène publique a été aussi saisi sur cette affaire de vaste réseau organisé au sein des structures sanitaires et qui alimentent le secteur de médicaments parallèles et douteux exposant dangereusement la vie des populations. « Nous ne saurions nous taire face à ce danger. Nous vous prions de prendre des dispositions qui s’imposent pour démanteler ce réseau, poursuivre et sanctionner les auteurs sans préjudice d’une action portée devant le tribunal de la localité afin de décourager ce genre de pratiques dans nos hôpitaux », a écrit Agouzou Ricardo, premier responsable de l’Observatoire au ministre. Et de poursuivre : « ces comportements sont inacceptables. Des mesures fortes et sanctions disciplinaires doivent être appliquées pour éviter d’exposer la vie de nos populations », a-t-il insisté.

Dans les rangs des patients, l’inquiétude est grande. Ils estiment que leur corps a servi à l’expérimentation d’un sérum dont l’origine est douteuse. Par conséquent, ils attendent impatiemment de connaître la suite de cette affaire pour se rassurer que leurs vies ne sont pas en danger.

Le ministre de la santé est vivement attendu sur cette affaire qui sape les actions de son ministère.

 

 

Albert AGBEKO

Photo : DR

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