Togo : un gouvernement démissionnaire ne peut pas procéder à de nominations mais une Assemblée nationale en fin de mandat peut changer une constitution
C’est le paradoxe togolais. L’Assemblée nationale en fin de mandat peut changer la constitution du pays -la Loi fondamentale, en violant même l’article 59 de ladite constitution qui énonce clairement que le mode de désignation du président de la République et le changement de la durée du mandat ne peut se faire que par voie référendaire-. Mais un gouvernement démissionnaire ne peut pas procéder ne serait qu’à la nomination de cadres administratifs. Une directive vient de leur être notifiée en ce sens par le ministre-secrétaire général du gouvernement Christian Eninam Trimua.
Depuis le 21 mai 2024, le Togo est sans gouvernement. Depuis cette période, c’est le gouvernement sortant, c’est-à-dire le gouvernement démissionnaire dont certains membres siègent à l’Assemblée nationale qui gèrent les affaires courantes. Cette gestion des affaires courantes rétrécie les marges de manœuvres des membres du gouvernement comme l’a fait savoir le secrétaire général du Gouvernement dans une note selon laquelle ces membres du gouvernement ne peuvent plus tout faire.
De ce fait, les autorités togolaises reconnaissent qu’un gouvernement démissionnaire ne peut plus poser certains actes. Parmi les actes que le gouvernement démissionnaire ne peut poser, Christian Eninam Trimua cite entre autres : « ils ne peuvent pas prendre de nouveaux engagements financiers ou budgétaires ; engager de nouvelles procédures de passation de la commande publique ; procéder à la nomination de cadres administratifs sans l’avis du Chef de l’Etat, ou encore moins prendre des initiatives à caractère politique susceptibles d’engager la ligne politique du prochain gouvernement ».
Alors si un gouvernement démissionnaire qui gère les affaires courantes perd certaines de ces prérogatives liées à sa fonction comment se fait-il qu’un député en fin de mandat puisse-t-il garder la totalité des siens et aller au-delà au point de changer la constitution d’un pays sans consulter le peuple, sans qu’on ne puisse pas parler d’usurpation du pouvoir du peuple, seul détenteur de la souveraineté.
Or, la notion d’affaires courantes ne s’applique pas seulement en matière administrative. Elle s’applique également en matière législative ou constitutionnelle.
De ce fait, la Cour constitutionnelle, garant de la bonne application de la constitution, a manqué de courage pour prendre une décision rappelant à l’ordre les députés et en leur édictant clairement ce que doivent être leurs prérogatives pendant la période hors-mandat comme l’a fait le secrétaire général du gouvernement à l’intention du gouvernement.
Bien avant, cette même Cour devrait définir au gouvernement la période dans laquelle il doit organiser de nouvelles consultations électorales en vue du renouvellement des députés pour ne pas déboucher sur le vide juridique.
Cette faiblesse de la Cour constitutionnelle du Togo confirme ce que déclarait John Jerry Rawlings en 1986 : « Ce que nous voulons faire du Ghana, c’est de mettre en place des institutions et pratiques tellement fortes que même si le diable lui-même venait à diriger ce pays qu’il ne puisse pas faire ce qu’il veut mais soit obligé de respecter les lois en place ».
Voilà ce que le Togo a besoin : des institutions fortes pour rappeler à l’ordre tout le monde même le diable. Pas des institutions qui autorisent l’Assemblée nationale en fin de mandat à changer la constitution du pays mais qui interdisent au gouvernement démissionnaire de procéder à de simple nomination. Entre la nomination à un poste relevant d’un ministère et le changement de constitution, lequel engage plus la vie de la nation ?
Malheureusement, le chemin pour parvenir à cette indépendance des institutions togolaises est encore long.
Francine DZIDULA
E-Mail: togoscoop@gmail.com
Tél : (00228) 90 96 63 64/ 99 56 57 88 : Pour vos reportages, annonces et publicité, contacter le service commercial de votre site Togoscoop.