« La grossesse en milieu scolaire est une gangrène sociale qui interpelle toute la société togolaise » — Kanitom Kofi

Alors que plus d’une quarantaine d’élèves ont récemment été exclus pour cause de grossesses précoces dans les établissements scolaires de la région des Plateaux-Ouest, Joseph Kofi Kanitom, Coordonnateur de la FESET (Fédération des Syndicats de l’Enseignement du Togo), Conseiller en Education Inclusive chez CNT/EPT et observateur averti du système éducatif, dresse un constat alarmant. Entre crise des repères, déficit d’éducation sexuelle et responsabilité parentale en berne, il appelle à une mobilisation collective pour enrayer ce fléau aux lourdes conséquences humaines et sociales.

TOGO SCOOP : Plus d’une quarantaine d’élèves des établissements scolaires de la région des Plateaux-Ouest ont été exclus pour avoir enceinté leurs camarades filles. Quelle est votre perception de la situation des grossesses en milieu scolaire ?
Kanitom Kofi : La problématique de grossesse en milieu scolaire devient une sérieuse gangrène qui empeste le système scolaire et qui interpelle toutes les parties prenantes directes de l’éducation et les autres composantes de la société togolaise.
TOGO SCOOP : Y a-t-il une évolution de la problématique des grossesses en milieu scolaire ces dernières années, ou est-ce la médiatisation du phénomène par les autorités qui lui donne plus d’ampleur ?
Kanitom Kofi : Rien qu’à voir les taux de grossesses enregistrés dans les établissements scolaires croissant d’année en année nonobstant le foisonnement des mesures contre le phénomène, je peux affirmer que c’est tout sauf une simple médiatisation de la part des autorités pour lui donner une ampleur. D’ailleurs, cela ne saurait l’être car ce n’est pas un sujet accrochant d’une campagne politique. Par contre, il peut être cité parmi les signes évocatrices de catastrophe sociale.

TOGO SCOOP : Quelles sont, selon vous, les principales causes des grossesses en milieu scolaire ?
Kanitom Kofi : Les sociologues lui prêtent plusieurs causes bien justifiées les unes comme les autres comme entre autres :
-La situation sociale et économique liée au niveau d’instruction ou à la précarité économique.
-Le manque d’information et d’éducation sexuelle et reproductive chez les filles, et plus largement les enfants liée aux tabous et à la sexualité. Elles ne connaissent pas ou mal ni les moyens de contraception ni les risques liés à une grossesse précoce.
-Les violences et agressions sexuelles
-La peur face à la rigide dominance parentale : Les filles qui tombent enceinte suite à un rapport sexuel ou à une agression sexuelle ont honte d’en parler et ne font donc rien pour les stopper.
Lire aussi : Togo: Une sanction inédite dans le secteur éducatif
Moi, j’y trouve le fait d’un déracinement culturel et d’une crise identitaire ajoutés d’une carence croissante de la responsabilité et de l’autorité parentales. Je dénonce aussi les attitudes d’insoumission, de défiance à l’autorité, de non-respect à la loi auxquels s’adonnent les adultes et qui constituent des exemples de vie de ces enfants.
TOGO SCOOP : Pensez-vous que l’école joue un rôle suffisant dans la sensibilisation et la prévention des grossesses précoces ?
Kanitom Kofi : Le phénomène se produisant dans les écoles, c’est bien normal que des regards accusateurs soient pointés sur elles. Mais le montage des actes y conduisant se produit dans les maisons et entre les maisons et les écoles. Cependant, il faut reconnaître sans ambages que l’école encombrent ses programmes de disciplines tendance plus savantes que d’éducation à la sexualité complète.
TOGO SCOOP : Certains estiment que l’abandon des punitions corporelles est l’une des causes de ce phénomène. Quel est votre avis ?
Kanitom Kofi : L’abandon des punitions corporelles sont instituées pour réduire les décrochages précoces et pour les filles et encourager l’accès et le maintien pendant longtemps à l’école. C’est l’incompréhension qu’on en fait qui participe à lui attribuer l’échec de sa mission. Les défenseurs de cette pratique n’ont jamais cité quiconque qui en est issu et ayant fabriqué un rayon de vélo. Nous consommons plusieurs articles des travaux matériels des enfants encore sur les bancs de l’école.
TOGO SCOOP : En tant que parents d’élèves, comment réagissez-vous à l’exclusion de ces élèves ?
Kanitom Kofi : Du point de vue sociale, je jugerai la mesure très forte. Le juridique s’imposant, ces exclusions se justifient et sont compréhensibles au regard de la 02-12-2022 adoptée par l’Assemblée Nationale.
TOGO SCOOP : Quels pourraient être les impacts de ces exclusions sur la scolarité et l’avenir des élèves concernés ?
Kanitom Kofi : Les impacts touchent toutes les parties prenantes concernées. Les élèves victimes perdent fatalement une année scolaire, vont accuser un retard dans leur progression scolaire avec tous les effets induits et risquent de ne plus renouer avec la scolarité. Les parents ont fait de lourds investissements à perte et sont obligés de reprendre de nouveaux investissements s’ils tiennent à la réussite de leurs enfants ajoutés aux charges qu’exigeraient les grossesses des filles. L’Etat voit son effort de relever le taux de scolarisation fléchir, son investissement pour l’année scolaire improductif à ce niveau et sa politique de protection de la scolarisation des filles pas totalement fructueuse.
TOGO SCOOP : C’est la loi sur la protection des apprenants qui a été appliquée aux élèves dans le cadre de cette sanction. Pensez-vous que cette loi a été suffisamment vulgarisée dans le monde scolaire avant son application ?
Kanitom Kofi : Cette situation ne peut être attribuée à l’insuffisance de la vulgarisation à partir du moment c’est prescrit que nul n’est censé ignoré la loi. Même les lois les plus vulgarisées sont souvent enfreintes.
TOGO SCOOP : Quelles alternatives proposez-vous pour permettre à ces élèves de poursuivre leur éducation ?
Kanitom Kofi : Je proposerais qu’il soit mis en place des cadres de récupération et de rééducation appropriée à la fois scolaire, pratique et sociale des hors la loi. L’UNICEF avait conçu un manuel de formation sur les compétences de vie courante que je trouve être une pertinente approche pour réguler ces genres de comportement s’il était introduit systématiquement dans les programmes scolaires.
TOGO SCOOP : Quelles actions ou initiatives avez-vous déjà mises en place ou souhaiteriez-vous mettre en place pour prévenir les grossesses précoces et éviter l’exclusion des élèves ?
Kanitom Kofi : Personnellement, je ne peux que contribuer à travers vos canaux qui me sont offerts si heureusement pour sensibiliser. En outre, je réponds à toutes les sollicitations pour formation des élèves, jeunes, adolescents et autres à travers tous les projets d’éducation à la bonne citoyenneté et au savoir-vivre organisée des institutionnels et des OSC/ONG.
Propos recueillis par Albert AGBEKO
E-Mail: togoscoop@gmail.com
Tél : (00228) 90 96 63 64/ 99 56 57 88 : Pour vos reportages, annonces et publicité, contacter le service commercial de votre site Togoscoop.